Cinq patientes fréquentées en deux ans, mais des propositions de sanctions « clémentes » : les chiens de garde déontologiques doivent affûter leurs crocs face aux professionnels condamnés pour des infractions sexuelles, selon l'Ordre des pharmaciens.

L'organisation réagissait ainsi à la condamnation de l'un de ses membres, Steve Bédard, qui trouvait ses amies de coeur parmi ses patientes. Le pharmacien pratiquait dans la couronne nord de Montréal.

Un an après le durcissement du Code des professions et l'imposition d'une peine minimale de cinq ans pour ces délinquants, certains syndics ne semblent pas s'être adaptés au nouvel environnement de tolérance zéro.

Le syndic de l'Ordre des pharmaciens, dont le travail est d'accuser et de faire condamner les membres délinquants, a vu ses arguments écartés par le conseil de discipline, dans une décision publiée fin juillet : plutôt que de trancher la poire en deux entre la proposition de peine de la défense (radiation d'un an) et du syndic (radiation de deux ans), les juges ont imposé une sentence beaucoup plus sévère de trois ans de radiation.

Le conseil a qualifié de « clémentes » les sanctions proposées pour d'autres infractions commises par M. Bédard, comme avoir fouillé dans deux dossiers médicaux pour trouver le numéro de cellulaire de possibles conquêtes. Auparavant, le conseil s'était dit « mal à l'aise » avec la légèreté d'une proposition précédente du syndic.

« Il y a dans cette décision un message que le comité de discipline envoie, et c'est un message qui devra être entendu par l'ensemble des syndics de tous les ordres », a réagi la directrice générale de l'Ordre des pharmaciens, Manon Lambert, par l'entremise d'une déclaration par courriel. Elle a refusé une entrevue téléphonique sur le travail du syndic de son organisation parce que « les syndics sont complètement indépendants de l'administration de l'Ordre ».

Le bureau de la syndique Lynda Chartrand a refusé la demande d'entrevue de La Presse.

Me Jessica Dufresne, avocate de Steve Bédard, « n'entend faire aucun commentaire ainsi que tout membre de notre bureau », a-t-elle répondu dans un courriel.

«Parmi les plus graves»

Le conseil de discipline a déterminé qu'« il s'agi[ssait] de l'un des cas de figure parmi les plus graves » et qu'il n'était « pas en présence d'un acte isolé ».

Tout porte à croire qu'il s'agissait de relations consensuelles. Steve Bédard aurait eu des relations sexuelles avec trois de ces fréquentations, qui ont duré de un à deux mois.

« Le fait que ça se passait en dehors de la pharmacie, pour lui, c'était correct », a résumé le bureau de la syndique devant le conseil de discipline.

Même s'il n'était que leur pharmacien, le Code des professions interdit à tout professionnel d'abuser de sa relation avec un patient ou un client « pour avoir avec [cette personne] des relations sexuelles ».

La peine minimale par défaut de cinq ans pour tous les professionnels reconnus coupables d'infractions sexuelles n'a toutefois pas été appliquée. « Chaque cas est un cas d'espèce », a indiqué le conseil de discipline.

Steve Bédard a aussi reconnu avoir tenu ou posé des « propos ou des gestes abusifs à caractère sexuel » à l'égard de sept employées. Il a écopé de radiations de trois mois pour ces gestes. Devant le conseil de discipline, le bureau du syndic a reconnu la collaboration « exceptionnelle » du pharmacien, qui a rapidement avoué l'ensemble de ses fautes.