Les iniquités et les injustices en santé au Canada sont persistantes, touchent systématiquement les groupes moins favorisés et s'accentuent dans certains cas, atteste l'Initiative pancanadienne sur les inégalités en santé dans un récent rapport.

La population canadienne compte parmi les plus en santé du monde. Mais les divers progrès en la matière sont loin d'être répartis équitablement au sein de la population, note une étude réalisée sous la direction de l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC), en collaboration avec Statistique Canada, l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS) et le Centre de gouvernance de l'information des Premières Nations et le Réseau pancanadien de santé.

« Les personnes au statut économique faible et les peuples autochtones, à cause du contexte historique, sont les plus touchés par les inégalités », souligne d'emblée la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada.

Le rapport qu'elle a coprésidé signale le rôle majeur des facteurs politiques, économiques et sociaux dans le fossé qui se creuse entre les différentes strates de la population en matière de santé.

L'analyse de ces inégalités n'avait encore jamais été menée de cette façon, avec autant de données différentes en jeu, affirme la Dre Tam. 

« Le revenu, l'éducation, l'identité de genre... Tout ça complexifie les questions à se poser. » - La Dre Theresa Tam

On apprend par exemple qu'il y a un « lien établi entre un faible niveau d'éducation et le nombre d'années où une personne est en santé, expose Theresa Tam. Un universitaire est en santé 11 ans de plus que ceux qui n'ont pas fait d'études, c'est énorme ! »

LES POPULATIONS AUTOCHTONES PRESQUE SYSTÉMATIQUEMENT TOUCHÉES

Des inégalités substantielles sont notées parmi les autochtones, les minorités sexuelles et raciales, les immigrants et les personnes ayant des limitations fonctionnelles. À plus ou moins grande échelle, les communautés autochtones sont presque systématiquement plus touchées par les problèmes liés aux inégalités en matière de santé que le reste de la population.

Ainsi, la prévalence de plusieurs maladies (asthme, diabète, obésité, etc.) a été notée chez les autochtones vivant dans les réserves et collectivités du Nord ou non.

« Le bilan aborde différemment les réalités des Inuits, des Métis ou des membres des Premières Nations, ce qui permet un meilleur portrait des différentes communautés et leurs problèmes », précise la Dre Theresa Tam, qui espère par ailleurs que le rapport pourra servir à la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

Par exemple, « le taux de mortalité infantile est plus élevé chez les Inuits, mais le diabète est plus important chez les membres des Premières Nations », illustre-t-elle. Par ailleurs, l'espérance de vie à la naissance des personnes qui vivent dans des régions ayant une forte proportion d'Inuits est inférieure de 12 ans à celle des autres régions et s'établit à 69,7 ans - un chiffre qui concorde avec les données de certains pays en développement.

LA MALADIE MENTALE VUE DANS SON ENSEMBLE

« L'étude permet de mieux cerner la complexité des facteurs qui influencent les troubles de santé mentale, qui figurent parmi les principaux problèmes de santé », affirme la Dre Tam, soulevant que ces problèmes sont quatre fois plus élevés dans les groupes aux revenus plus faibles. Le taux d'hospitalisations liées à la santé mentale progresse chaque fois que baisse le palier de revenu du quartier étudié, démontre le rapport.

Une variation socioéconomique claire départage les données en ce qui concerne les taux de suicide, qui augmentent à mesure que les niveaux de revenus et de scolarité diminuent. Les régions les plus défavorisées accusent un taux de suicide presque trois fois plus élevé que dans les zones plus riches.

De plus, les hommes sont trois fois plus portés au suicide que les femmes. Les taux de suicide sont particulièrement élevés chez ceux qui vivent dans des régions où une grande partie des habitants sont des Inuits, un groupe chez lequel on note environ 100 morts par suicide de plus par tranche de 100 000 personnes qu'ailleurs.

UN RAPPORT QUI PERMETTRA DE « MOBILISER »

« Au Canada, on gagne de l'espérance de vie, mais la vitesse à laquelle ça augmente entre les différents niveaux socioéconomiques est très inégale », dit la Dre Tam. Les plus riches vivent en moyenne sept ans de plus que les plus pauvres, ajoute-t-elle.

Un accès homogène aux possibilités en matière de santé pourrait remédier à cet écart arbitraire. Pour rééquilibrer les choses, il faut « mobiliser le gouvernement », non seulement en matière de santé, mais aussi en éducation, en infrastructures ou en sécurité alimentaire, notamment. Car, comme le démontre le rapport, « il faut faire le lien entre plusieurs facteurs » pour cerner adéquatement le problème, croit Theresa Tam.

« On veut aller vers le développement de programmes et de politiques dans plusieurs niveaux du gouvernement pour avoir un impact plus important, différent pour chaque groupe [...] et diminuer les inégalités et l'iniquité. »

photo archives la presse canadienne

La Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada