Le délai d'attente pour une chirurgie présenté par Québec est «incomplet» et repose sur des données qui «ne sont pas fiables», conclut la vérificatrice générale du Québec. Un patient attend plus longtemps pour être servi que ce que laisse croire le ministère de la Santé.

Même sous-estimée, l'attente dépasse dans bien des cas la cible que s'est fixée le gouvernement.

«La statistique sur le délai d'attente pour une chirurgie qui est suivie par le ministère constitue une partie importante, mais incomplète, de l'ensemble du temps d'attente d'un patient», peut-on lire dans le rapport annuel de la vérificatrice générale (VG) déposé à l'Assemblée nationale mercredi.

Le Ministère ne compte un délai qu'à partir du moment où le chirurgien décide d'opérer le patient. Il néglige ainsi tout le chemin parcouru par le patient avant d'arriver à cette étape, déplore la VG. Il s'agit par exemple de la consultation auprès d'un médecin omnipraticien, de la réalisation d'examens et de tests de laboratoire, de la consultation d'un spécialiste qui doit faire, lui aussi, un diagnostic. 

Pour arriver à la chirurgie, il y a «plusieurs étapes entre lesquelles des délais peuvent s'ajouter» et «font partie du temps d'attente» d'un patient, insiste la VG. Notons que ces étapes n'existent évidemment pas lorsque l'état d'un patient nécessite le recours à l'urgence.    

Pour la VG, il est difficile d'estimer l'attente réelle des patients. Il reste que des jours, des semaines voire des mois peuvent s'ajouter au temps d'attente que diffuse Québec en raison des étapes dont il ne tient pas compte.

Au surplus, le temps d'attente comptabilisé par Québec repose sur des données qui «ne sont pas fiables», dit la VG.

Ainsi, «la date de début du calcul du délai d'attente varie en fonction de la chirurgie». Autre exemple: «il y a des inexactitudes ou des incohérences dans l'inscription» des données dans le système informatique - sur la date d'inscription du patient à la liste d'attente ou celle de la demande de chirurgie, par exemple.

«Pour respecter les délais d'attente exigés, l'Hôpital général juif et l'Hôpital régional de Saint-Jérôme privilégient de limiter le nombre de patients inscrits sur la liste d'attente s'ils ne pensent pas être en mesure de les opérer dans le temps opératoire alloué aux chirurgiens. Pour ce faire, ces derniers sont invités à contrôler le nombre de nouveaux patients», révèle la VG, ce qui met en doute l'intégrité du système.

«En raison des lacunes liées à la qualité des données et du fait que les cibles nationales n'ont pas été définies en fonction de l'urgence de réaliser la chirurgie, la pertinence d'évaluer le respect des cibles nationales en est diminuée d'autant», souligne la VG.

Il le fait tout de même afin de dresser un portrait de la situation. Ainsi, selon le calcul de Québec décrié par la VG, le délai d'attente moyen pour une chirurgie oncologique était en 2015-2016 de moins de 28 jours dans 61% des cas; de 29 à 56 jours, 27%; et de plus de 56 jours, 12%. Or, la cible fixée par gouvernement est que 90% des chirurgies soient réalisées à l'intérieur d'un délai de 28 jours et 100% dans les 56 jours. Il n'y a pas eu d'amélioration depuis 2013-2014.

Le délai d'attente moyen pour une chirurgie non oncologique était de moins de six mois dans 92% des cas; de 6 à 12 mois, 6%; de plus de 12 mois, 2%. La cible du gouvernement est que 90% de ces chirurgies se fassent avant six mois.

La VG relève que 39% des chirurgies oncologiques dépassent la cible de 26 jours et que 8% des chirurgies non oncologies dépassent la cible de six mois. La situation ne s'est pas améliorée depuis 2013-2014.

La VG recommande que Québec revoie sa méthode de calcul des délais d'attente et ses cibles, tout en contrôlant la qualité des données utilisées.

Sur une période de six ans, le nombre de chirurgies a augmenté de 5,5% alors que les dépenses directes d'établissement pour les chirurgies a cru de 17,9% et que la rémunération des chirurgies et des anesthésiologistes a bondi de 35,2%, révèle la VG.

En 2015-2016, 635 000 chirurgies ont été réalisées dans les blocs opératoires du Québec. Elles ont coûté 1,9 milliard au total.

Par ailleurs, la VG conclut que «le financement des services chirurgicaux ne considère pas suffisamment les besoins de la population et les soins à lui prodiguer; il est plutôt établi sur une base historique». Le Ministère «n'a pas de vision globale de la répartition optimale des services chirurgicaux».

De plus, «les blocs opératoires sont vétustes dans deux des trois centres hospitaliers audités. Des équipements de chirurgie et de stérilisation ayant atteint leur durée de vie utile sont encore utilisés». 

Il ajoute que hôpitaux pourraient améliorer la gestion de préadmission des patients, le fonctionnement journalier au bloc opératoire ainsi que l'utilisation des salles d'opération et de réveil. Les coûts de fonctionnement seraient réduits par une meilleure gestion des fournitures et des instruments du bloc opératoire, ajoute-t-il. La VG souligne que les hôpitaux audités (Chicoutimi, Saint-Jérôme et général juif de Montréal) utilisent peu des indicateurs pour évaluer la performance des chirurgies.