Pour contrebalancer sa « modernisation » des lois sur l'alcool, Québec devrait imposer une formation sur les facultés affaiblies aux 60 000 serveurs et barmans de la province, réclame l'organisme Éduc'alcool. Il en fera la demande demain, en commission parlementaire, en même temps qu'il proposera une hausse importante du prix plancher de la bière et des boissons sucrées comme le FCKDUP.

VASTE ASSOUPLISSEMENT

« Il faut choisir ses batailles », explique Hubert Sacy, patron d'Éduc'alcool. L'organisme se dit très déçu par le projet de loi 170 du gouvernement Couillard. Celui-ci permettra entre autres aux enfants de demeurer en terrasse jusqu'à 23 h, permettra le service d'alcool sans repas dans un restaurant et la livraison d'alcool avec un repas. Plutôt que de s'en prendre à chacune de ces modifications, Éduc'alcool demande à Québec d'« équilibrer la libéralisation » en intégrant cinq mesures. La plus importante : un cours obligatoire pour tous les serveurs appelés à servir de l'alcool. « Les serveurs peuvent jouer un rôle déterminant dans la réduction du nombre de conducteurs ivres au volant, plaide Éduc'alcool dans son mémoire. De fait, les accidents graves où l'alcool est mis en cause sont souvent le fait de clients qui sortent de débits de boisson. »

60 000 PERSONNES VISÉES

La formation, déjà existante mais facultative pour les serveurs, apprendrait à ceux-ci « des moyens efficaces et des conseils pratiques pour réagir face aux clients qui ont trop bu ». Selon les calculs repris par Éduc'alcool, « un maximum de 60 000 personnes » seraient touchées au Québec. « On ne parle pas d'un doctorat de troisième cycle en alcoologie qui prend cinq ans. On parle d'un cours qui prend quatre heures en direct ou un peu moins de deux heures sur le web, lance Hubert Sacy. Ce n'est pas la fin du monde et ça permet de sauver des vies. »

RENVOYÉE POUR ÊTRE INTERVENUE

Hubert Sacy témoignera demain devant les parlementaires aux côtés de Valérie Couturier, une serveuse qui avait perdu son emploi en 2013 après être intervenue auprès d'un client éméché qui s'apprêtait à quitter le restaurant où elle travaillait. Dans une lettre intitulée « C'est votre chance d'agir, M. Coiteux », elle soutient la proposition d'Éduc'alcool. « Si cette formation avait été obligatoire au Québec, écrit-elle, le propriétaire du restaurant où je travaillais aurait su qu'il avait non seulement le devoir moral, mais également l'obligation légale de suivre des règles claires. De plus, mes collègues et moi aurions su exactement quoi faire pour, d'abord, éviter que le client ne s'intoxique et, ensuite, le gérer s'il avait malgré tout dépassé ses limites. » En entrevue téléphonique, Mme Couturier a dit croire que cette obligation n'est pas trop lourde pour le domaine de la restauration.

PRIX PLANCHER DE 1,70 $/BIÈRE

La formation n'est pas la seule proposition qu'Éduc'alcool met de l'avant comme mesure pour contrebalancer l'assouplissement de l'encadrement de la consommation d'alcool que contient le projet de loi 170. L'organisme voudrait aussi imposer un prix plancher « aux environs de 1,70 $ » pour chaque équivalent d'une consommation d'alcool - que ce soit en établissement ou au magasin. La caisse de 24 bières ne pourrait donc se vendre moins de 40 $ et la grande canette de Four Loko ou de FCKDUP, moins de 6,80 $. « Tous les gens qui travaillent en santé publique, on dit tous la même chose. On ne l'a pas inventée, cette revendication-là », fait valoir M. Sacy. Il demande aussi que la Régie des alcools ait davantage de ressources pour lancer des enquêtes et interdire les promotions qui accordent un rabais sur un article ou un article gratuit à l'achat d'alcool - le plus souvent d'une caisse de bière.

Photo Olivier Jean, Archives La Presse

La formation pour les facultés affaiblies existe déjà pour les serveurs, mais elle est facultative.

Photo Olivier PontBriand, Archives La Presse

Lors de son passage en commission parlementaire demain, le patron d'Éduc'alcool, Hubert Sacy, demandera une hausse du prix plancher pour une consommation d'alcool et des boissons alcoolisées sucrées comme FCKDUP et Four Loko.