Urgences-santé procède actuellement à l'embauche sans précédent de 200 techniciens ambulanciers paramédicaux pour l'ajout prochain de 10 nouvelles ambulances sur le territoire et pallier le vide laissé par l'arrêt des activités de l'entreprise Medicar. La Presse vous propose une incursion dans cet univers imprévisible où chaque seconde compte.

« J'ai choisi mon métier parce que c'est loin d'être routinier. » Ça ne fait que quelques minutes que La Presse est montée à bord de l'ambulance conduite par Justin Della Ripa Hooper et Éric Corriveau que, déjà, les plans changent.

En route en début de quart, autour de 15 h 30, vers un CHSLD de la rue Viau pour récupérer une dame souffrant d'une anémie grave, l'équipe de techniciens ambulanciers est presque immédiatement réaffectée à une autre urgence, « plus urgente ». Un homme est en crise, rue Sherbrooke. La police demande leur aide. Au volant, Justin change de direction.

« On nous dit qu'il aurait consommé, qu'il serait désorienté », explique brièvement Éric. Les paramédicaux ont souvent bien peu de détails en main avant d'arriver sur les lieux d'un appel. Sur place, l'homme, sans chaussures, est assis, vulnérable, dans la voiture des policiers. Éric et Justin interviennent avec délicatesse, l'amènent à l'intérieur de l'ambulance.

« Nous avons pris ses signes vitaux, il était OK. Il a signé un refus pour se rendre à l'hôpital », résume Éric en remplissant son rapport.

« C'était un court cas, ça arrive assez souvent. À Montréal, on est souvent confronté à la misère humaine, à des cas de psychiatrie et à de l'itinérance », dit l'ambulancier.

La « paperasse » complétée, Justin remet l'ambulance en service.

Pas une minute ne s'écoule que le duo reçoit un « code zéro ». Les gyrophares s'allument et Justin se fraye habilement un chemin à travers la circulation dense de fin de journée. « Un code zéro, c'est parce que la survie est incertaine. C'est un homme dans la cinquantaine. On n'a pas vraiment plus d'informations », avance Éric, avec un calme surprenant.

Une fois que le véhicule arrive devant un immeuble de logements de l'Est, les pompiers sont déjà sur place. Ils sont les premiers répondants pour les cas urgents, ceux cotés zéro et un. Une infirmière en soins à domicile attend, nerveuse. Elle n'arrive pas à joindre son patient. Les autorités et les paramédicaux entrent rapidement, d'autres pompiers essaient d'atteindre le balcon.

« Il est mort. » En entrant dans le corridor étroit menant à l'appartement de l'homme, les paramédicaux n'ont pas de doute. Ils reconnaissent l'odeur. « Quand tu respires ça une fois, tu t'en rappelles toute ta vie. » Les pompiers arrivent à entrer par l'extérieur. Ils ouvrent la porte à Éric et à Justin. Ils découvrent un corps gisant depuis plusieurs jours.

« On ne voit pas ça tous les jours », assure Éric en regagnant l'ambulance. Ils fournissent leurs premières constatations aux policiers tout juste arrivés pour aller inspecter la scène. C'est la morgue qui transportera la dépouille.

« Il faut voir ça d'un oeil médical, dans un cadre professionnel. Il faut se faire une sorte de carapace. Ça m'aide », dit Éric Corriveau.

« On reste des humains, indique Justin. C'est certain qu'il y a des cas qui restent avec toi un peu plus longtemps que d'autres. Surtout quand ce n'est pas naturel, comme quelqu'un qui est jeune, dans le cas d'un crime ou d'un accident. Il faut être capable de se détacher. Il faut rester calme, on a la formation pour réagir dans différents scénarios. »

MÉTIER DE PASSION

Pendant qu'ils finalisent leurs rapports, la voix du répartiteur rapporte qu'un homme menace de mettre fin à ses jours. Il a entre ses mains des lames de rasoir, entend-on. L'appel ne s'adresse pas à eux. Il est environ 17 h. Justin et Éric prennent la direction du domicile d'une dame de 89 ans qui a fait une chute et s'est blessée à une hanche.

Elle attend depuis longtemps déjà. Mais quelques minutes s'écoulent et l'équipe reçoit un « code un ». Ils rebroussent immédiatement chemin, rallument les gyrophares. Une jeune femme de 27 ans est en difficulté respiratoire et éprouve des douleurs à la poitrine. Une fois sur place, les paramédicaux constatent qu'elle fait une « bonne crise d'asthme ».

Ils l'entourent avec soin d'une couverture en lui installant un masque à oxygène. Elle ira mieux. « Comment ça va ? », interroge Éric sur le chemin vers l'hôpital, installé avec elle à l'arrière. « On passe en moyenne une à deux heures par cas », en profite pour expliquer Justin, toujours au volant. « Ça fait de quatre à cinq cas par quart, ça dépend. »

Rien n'est certain. Difficile de prévoir l'heure exacte de la pause-repas ou du retour à la maison, par exemple. « On peut avoir un cas une minute avant de finir », illustre-t-il. « Ça peut être dur pour la conciliation travail-famille », affirme Éric, nouvellement papa. « C'est un métier de passion. C'est une vocation », poursuit-il.

AIDER LES GENS

Même si chaque quart de travail amène son lot de défis et d'imprévus, Éric et Justin sont surtout motivés par l'aide qu'ils apportent, la différence qu'ils peuvent faire. « Il ne faut pas penser que notre métier, c'est de sauver des vies, être dans l'action et dans des cas majeurs tout le temps. Ce n'est pas ça, la réalité », explique Éric.

« La réalité, c'est d'aider les gens, c'est d'accompagner des personnes âgées ou des gens qui ont parfois seulement besoin de parler. C'est ça aussi qui est gratifiant. » La jeune femme est toujours dans un état stable et a été prise en charge par le centre hospitalier. Justin nettoie et remballe les équipements. L'équipe reprend place, en attente du prochain appel.

Photo Bernard Brault, La Presse

Arrivée sur les lieux où vit un homme dans la cinquantaine, à la suite d'un appel d'une infirmière en soins à domicile qui n'avait pas de nouvelles de lui. Pompiers et policiers sont déjà sur place.

Photo Bernard Brault, La Presse

En entrant dans le corridor qui mène à l'appartement de l'homme, les paramédicaux se doutent que ce dernier est mort.