Au moins 420 patients se sont fait facturer des frais accessoires -pour les prises de sang, les gouttes pour les yeux ou l'ouverture d'un dossier- l'an dernier malgré leur abolition il y a plus d'un an. Et certains craignent que des cabinets médicaux n'exigent dorénavant plus souvent des frais administratifs (toujours permis). Des frais dont la liste n'est pas toujours affichée. Explications.

5000 demandes de remboursement

La Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) avait reçu, au 31 décembre dernier, 5091 plaintes de patients convaincus d'avoir payé des frais accessoires, malgré l'interdiction en vigueur depuis le 26 janvier 2017.

« Parmi les 4200 demandes que nous avons pu traiter et analyser jusqu'à maintenant, 10 % se sont avérées fondées. Environ 420 patients seront donc remboursés », explique Caroline Dupont, porte-parole de la Régie.

Les montants facturés illégalement totalisent plus de 100 000 $, soit environ 238 $ par plainte en moyenne. La RAMQ réclame ensuite ces sommes aux médecins fautifs, qui peuvent contester ces réclamations.

Plus de frais administratifs ?

Les frais accessoires sont interdits, mais pas les frais administratifs pour des services qui ne sont pas couverts par la RAMQ.

« Les frais accessoires suscitent moins de plaintes, mais les frais administratifs semblent augmenter », déplore Stéphane Defoy, organisateur communautaire à la clinique de Pointe-Saint-Charles, qui a dévoilé récemment les résultats d'une enquête sur les frais dans les cabinets médicaux.

« En ophtalmologie, notamment, on facture toutes sortes d'examens avant des opérations pour des cataractes, alors qu'ils ne sont pas essentiels. »

Toutefois, selon la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), rien n'indique que les médecins demandent des frais administratifs plus souvent.

« Un frein à l'accessibilité »

Selon Stéphane Defoy, les frais administratifs devraient aussi disparaître. En attendant, il dénonce le fait que ces frais sont suggérés aux médecins par leurs fédérations, qui défendent d'abord les intérêts de leurs membres.

« Pourquoi la grille de tarifs ne viendrait-elle pas de la RAMQ ? demande-t-il. Ultimement, ces frais devraient être couverts par le régime public, parce que c'est un frein à l'accessibilité. »

La profession médicale est déjà l'une des plus réglementées, soutient de son côté Jean-Pierre Dion, porte-parole de la FMOQ.

« Est-ce que le gouvernement devrait aussi décréter les tarifs des dentistes, des optométristes, des psychologues ? Ça s'arrête où ? demande-t-il. Ce sont des services non assurés, et il n'y a rien d'indécent dans nos tarifs. »

Affichage déficient

Certaines cliniques n'affichent pas leurs tarifs administratifs comme elles en ont l'obligation, révèle une autre enquête de la clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles.

« Comment les patients peuvent-ils savoir si on leur réclame des frais illégaux, s'ils n'ont pas l'information ? », demande Stéphane Defoy.

Les médecins ont l'obligation légale d'afficher leurs tarifs, et leur fédération les rappellera à l'ordre si nécessaire, souligne le porte-parole de la FMOQ, Jean-Pierre Dion.

« Ce qu'il faut retenir, c'est que la plupart des médecins facturent peu de frais administratifs, même quand ils en ont le droit, dit-il. Les tarifs n'ont pas augmenté depuis longtemps, et les médecins n'en facturent pas à leurs patients vulnérables. »

ENQUÊTE DE LA CLINIQUE COMMUNAUTAIRE DE POINTE-SAINT-CHARLES

• 40 cliniques visitées

• 13 cliniques n'affichent aucun tarif

• 17 cliniques affichent des frais illégaux

• 10 cliniques affichent une liste conforme

Source : clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles

Les ophtalmologistes sur la sellette

Quels frais les ophtalmologistes peuvent-ils encore exiger ? Certains de ses membres ayant reçu des réclamations pour des frais jugés illégaux, l'Association des médecins ophtalmologistes du Québec (AMOQ) a rencontré la RAMQ le mois dernier pour connaître sa position.

Les plaintes à l'endroit des ophtalmologistes concernaient des examens réalisés avant des opérations pour des cataractes considérés comme inutiles par la RAMQ, sauf en cas de pose de lentilles spécialisées pour corriger la vue en éliminant la cataracte. Des ophtalmologistes ont donc dû rembourser des frais d'examens, généralement de 150 à 200 $, selon le président de l'AMOQ, le Dr Côme Fortin. Certains professionnels pourraient contester les conclusions de la Régie devant les tribunaux, où l'on débattra du caractère superflu ou non des examens.

Des frais sous la loupe du Collège des médecins

Les fédérations de médecins suggèrent à leurs membres des tarifs pour les services non assurés, mais les médecins sont libres d'exiger les montants qu'ils veulent. Si un patient estime que son médecin a réclamé des frais excessifs, il peut demander une « conciliation de compte » au Collège des médecins du Québec (CMQ).

En 2016-2017, l'ordre professionnel a reçu 77 plaintes sur des frais exagérés, et les patients ont été remboursés dans 57 cas, tandis que quatre cas ont été soumis à l'arbitrage.

Quels frais sont interdits, lesquels sont permis ?

Interdits : les frais accessoires

• Ouverture de dossier, changement de pansement, retrait de points de suture, test d'urine, prise de sang, agents anesthésiques, vaccination des enfants, échographie, gouttes oculaires, vasectomie, pose d'un stérilet (sauf, pour tous ces exemples, quand des médecins ne sont pas affiliés à la RAMQ.)

Permis : les frais administratifs/tarifs suggérés par la FMSQ

• Formulaire de la SAAQ pour le permis de conduire (50 à 125 $), rapport médical pour assurance invalidité (65 à 125 $), rapport médical pour Régie des rentes du Québec (125 à 255 $), examen préemploi (200 $), transport d'échantillons biologiques (5 à 15 $), rendez-vous manqué (30 $), renouvellement d'ordonnance sans évaluation médicale (20 $), photocopie (10 $) première page, puis 0,50 $ par page