Les voix opposées à la fusion de l'hôpital Sainte-Justine avec le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) se multiplient.

Une manifestation dirigée par la présidente du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de l'hôpital, la docteure Valérie Lamarre, avait lieu jeudi devant l'institution pour demander au ministre de la Santé, Gaétan Barrette, de renoncer à ce projet.

«On menace la mission de cet hôpital», a-t-elle déclaré aux manifestants, reprochant au ministre de vouloir «remettre Sainte-Justine sous le giron de la médecine adulte».

Parmi les manifestants se trouvaient notamment l'ex-ministre de la Santé et fondateur du régime d'assurance-maladie, Claude Castonguay, et l'ancienne ministre responsable des Aînés dans le gouvernement libéral de Jean Charest, Marguerite Blais.

En point de presse par la suite, la docteure Lamarre a profité de l'occasion pour contrer le discours du ministre Barrette, dont l'un des principaux arguments pour justifier la fusion est d'assurer la continuité des soins pour les enfants lorsqu'ils deviennent adultes.

«Ça ne tient pas la route une seconde», a-t-elle tranché, faisant valoir que, sur les quelque 300 000 visites annuelles d'enfants par année à Sainte-Justine, environ 1000 enfants par année ont besoin d'un suivi plus rigoureux pour un transfert en centre hospitalier adulte et, de ce nombre, seulement 200 sont référés au CHUM pour des procédures très spécialisées.

Tout en reconnaissant qu'il y a place à amélioration pour la transition des enfants vers la médecine adulte, elle a affirmé que «la solution ne passe pas par une fusion avec le CHUM», mais bien par un réseau provincial sur la base d'ententes avec les autres hôpitaux à travers le Québec, puisque bon nombre d'enfants à Sainte-Justine ne viennent pas de Montréal.

Décision teintée de sexisme?

Claude Castonguay, pour sa part, a dit croire que le ministre Barrette «ne comprend vraiment pas ce qui se passe dans la réalité» du centre hospitalier universitaire mère-enfant, qu'il estime être «un des plus beaux fleurons» du Québec.

M. Castonguay a reproché au ministre d'oublier, dans son vaste mouvement de regroupements, «que des institutions comme Sainte-Justine ont une vie qui leur est propre, des traditions et une culture».

Plus encore, en cette journée internationale des droits des femmes, l'ancien ministre libéral s'est dit «choqué» d'une décision qui laisse transparaître une forme de sexisme, selon lui.

Ainsi, il a souligné que le ministre Barrette a maintenu l'autonomie de l'Institut neurologique de Montréal et de l'Institut de cardiologie, «deux établissements développés par des hommes avec des conseils d'administration qui ont en majorité des membres masculins», alors qu'il veut retirer son autonomie à Sainte-Justine, «un hôpital créé par des femmes, qui a toujours été animé par des femmes».

«C'est parce qu'il est entêté»

Marguerite Blais a pour sa part rappelé que Sainte-Justine avait été fondé il y a 110 ans parce que ses fondatrices estimaient que les enfants devaient avoir une médecine pédiatrique: «110 ans plus tard, on est en train de prendre la médecine pédiatrique et la confier à de la médecine adulte», a-t-elle déploré.

«Pourquoi démantibuler quelque chose qui fonctionne si bien?» s'est demandée Mme Blais, qui a brièvement siégé aux côtés du ministre Barrette après l'élection de 2014.

Elle a qualifié le geste de ce dernier de «mauvaise décision» et, s'il persiste malgré l'opposition venant de toutes parts, «c'est parce qu'il est entêté», selon elle.

Marguerite Blais ne se sent par ailleurs nullement liée par son passé avec le Parti libéral du Québec: «J'ai fait partie d'un gouvernement, mais je me suis toujours battue pour les plus vulnérables de notre société.»

«Je suis libre, je ne fais plus de politique active. Je fais de la politique sociale, de la politique d'engagement», a-t-elle affirmé.

Dans les heures suivant la manifestation, la Coalition avenir Québec (CAQ) a à son tour demandé au ministre Barrette et au premier ministre Philippe Couillard de revenir sur cette décision.

Comme l'avait fait son chef, François Legault, il y a quelques mois, la CAQ a réitéré son intention de redonner sa pleine autonomie au CHU Sainte-Justine si elle prend le pouvoir.

Une grande manifestation d'opposition à la fusion de Sainte-Justine avec le CHUM est prévue le 6 mai prochain.