Les archivistes médicaux du Québec ne sont pas surpris que les données des dossiers électroniques de santé puissent être utilisées pour des recherches privées, et même à des fins commerciales, sans le consentement des patients ou des cliniques médicales, comme La Presse+ l'a révélé vendredi.

Dans un communiqué publié hier, l'Association des gestionnaires de l'information de la santé du Québec (AGISQ), qui regroupe 600 archivistes médicaux, demande à la Commission d'accès à l'information du Québec et au ministère de la Santé de faire appel à leur expertise pour colmater des brèches dans la confidentialité des données personnelles de santé, et prévenir la mise en circulation de ces informations à des fins autres que médicales.

Le président de l'AGISQ, Alexandre Allard, a affirmé hier que cette association avait prévenu le gouvernement du Québec dès l'an dernier des possibilités croissantes de consultations interdites des dossiers médicaux dans les établissements de santé et des risques liés à la création de banques de données biométriques et génétiques.

La Presse+ a ainsi révélé, vendredi, que des compagnies d'assurances pouvaient intervenir directement auprès d'un médecin pour recommander la prescription d'un médicament plutôt qu'un autre, pour en réduire les coûts, et que les cliniques médicales sont impuissantes à empêcher l'usage des données médicales par l'entreprise qui héberge leurs dossiers informatisés.

« Dans les contrats qui les lient à des cliniques privées ou des groupes de médecine familiale, des entreprises comme Telus, qui hébergent les dossiers, incluent parfois la possibilité de réutiliser les données, tant que les noms et coordonnées personnelles des patients ne sont pas communiqués. »

« Ainsi, dit M. Allard, la population n'est pas au courant que ces données médicales peuvent être utilisées à d'autres fins, voire à des fins commerciales, par des groupes pharmaceutiques ou des groupes de recherche financés par le secteur privé sans leur consentement, ni celui de leur médecin. Ce risque existe déjà. »

« MANQUE CRIANT D'ÉDUCATION »

Pour l'AGISQ, la situation est différente dans les établissements publics de santé, où le risque de fuites majeures est moins présent, mais où il n'existe aucun véritable cadre de gestion obligeant les hôpitaux ou CLSC à valider l'utilisation qui est faite des dossiers médicaux.

« Il y a un manque criant d'éducation du personnel de santé, dit-il. Ce qu'on voit surtout, ce sont des gens qui ont un accès autorisé et qui consultent les dossiers de leurs parents, d'un conjoint ou de leurs enfants. Même s'il n'y a pas d'intentions malveillantes derrière cela, la plupart du temps, ce devrait être formellement interdit. »

Les archivistes médicaux s'inquiètent aussi de certains services commerciaux, du type « 23 and me », qui permet aux gens d'obtenir leur profil génétique personnel en se procurant une trousse et en envoyant par la poste un échantillon de leur salive. Il est impossible de garantir que ces informations vont toujours rester confidentielles.

« Éventuellement, dit M. Allard, un assureur pourrait refuser de vous assurer ou ajuster ses primes à la hausse parce qu'un test révèle une prédisposition à une maladie cardiaque ou à certains types de cancer. »

L'AGISQ a offert hier sa collaboration au ministère de la Santé et à la Commission d'accès à l'information pour toute enquête touchant à l'utilisation des renseignements de santé contenus dans les dossiers médicaux électroniques.