Des prévisions erronées faites en 2006 quant à la croissance de la rémunération des médecins dans le reste du Canada ont fait en sorte que les spécialistes québécois gagnent maintenant plus que ceux de l'Ontario, a reconnu le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, jeudi. Le gouvernement doit « honorer sa signature » et verser les augmentations promises même s'il n'y a plus aucun rattrapage à faire.

Gaétan Barrette a par ailleurs confirmé, comme La Presse le révèle jeudi, qu'il y a de «l'argent neuf» prévu à l'entente entre Québec et la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), contrairement à ce que disait plus tôt cette semaine le premier ministre Philippe Couillard. Ces quelques dizaines de millions de dollars serviront à payer une augmentation du nombre d'examens d'imagerie par résonance magnétique.

Cette entente prévoit également des augmentations de 11,2 % d'ici 2023 et le remboursement d'une dette de 480 millions aux 10 000 spécialistes au cours de quatre années financières. Ces hausses étaient déjà promises aux médecins et sont maintenant étalées sur un plus grand nombre d'années afin d'en réduire l'impact sur les finances publiques. L'entente sera dévoilée vendredi, une semaine plus tôt que prévu.

Dès 2016, La Presse indiquait que la rémunération des médecins spécialistes du Québec a dépassé celle de leurs collègues de l'Ontario, selon les données de l'Institut canadien d'information sur la santé qui calculent le «paiement clinique brut moyen».

• Québec: 403 537 $

• Ontario: 367 154 $

• Moyenne canadienne: 380 503 $ (données pour 2015-2016)

Des sources gouvernementales chiffraient dans les derniers jours à 10% ou 15% l'écart en faveur des médecins québécois par rapport à ceux de l'Ontario.

L'entente conclue en 2006 - à l'époque Gaétan Barette était à la tête de la FMSQ et Philippe Couillard, ministre de la Santé - visait un rattrapage avec le reste du Canada. Les médecins québécois accusaient un retard que la FMSQ estimait à 35%.

Pour le combler, des prévisions ont été faites quant à la croissance de la rémunération médicale ailleurs au Canada sur une période de dix ans. Or, elles ont été erronées: on a surévalué les revenus que réaliseraient les médecins du reste du Canada. Le gouvernement s'est engagé à verser des augmentations d'un niveau tel que les spécialistes québécois gagnent plus que la moyenne canadienne et leurs collègues de l'Ontario aujourd'hui.

«Personne n'avait pu prédire que le Canada allait sévèrement ralentir son comportement constaté à l'époque. Et c'est ce qui fait que les médecins québécois se sont retrouvés dans la position actuelle, pas parce que l'entente contractuelle était mauvaise, mais parce que les prévisions ne se sont pas réalisées. Personne n'avait pu prédire qu'il y allait avoir un ralentissement», a affirmé Gaétan Barrette.

«Honorer des contrats signés»

Pourquoi continuer de verser les augmentations promises s'il n'y a plus de rattrapage à faire? «Ça demeure une question d'honorer des contrats qui ont été signés. La logique est une logique de respect des ententes qui ont été conclues», a répondu M. Barrette. Il a précisé qu'aucune clause de «réouverture» de l'entente n'avait été prévue si les prévisions s'avéraient inexactes au fil du temps.

L'entente avec la FMSQ, comme celle avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), prévoit de confier à un organisme indépendant, l'Institut canadien d'information sur la santé, le mandat de faire une étude comparative entre la rémunération des médecins ontariens et québécois, en tenant compte du coût de la vie. Si les médecins québécois sont lésés, le gouvernement et les fédérations devront négocier pour trouver une façon de résorber l'écart. Un mécanisme d'arbitrage est prévu si les parties ne s'entendent pas sur la valeur de l'écart. 

Pour le président du Conseil du trésor, Pierre Arcand, grâce à l'entente, «on va être en mesure de contrôler l'augmentation de salaire des médecins, et il y a des clauses nouvelles qui vont certainement faire sauver des milliards de dollars à l'avenir aux Québécois».

Selon les données de l'ICIS, la situation est différente pour les médecins de famille en tenant du «paiement clinique brut moyen».

• Québec: 255 428 $

• Ontario: 311 373 $

• Moyenne canadienne: 275 294 $ (données pour 2015-2016)

L'entente Québec-FMOQ prévoit des augmentations de 14,7% d'ici 2023 et le remboursement d'une dette, non récurrente, d'environ 650 millions de dollars.

Au cours des dix dernières années, l'enveloppe de rémunération de tous les médecins a bondi de 7,5% par année. Elle est passée de 3,4 milliards de dollars pour 16 900 médecins en 2006-2007 à 7,4 milliards pour 21 000 médecins en 2016-2017. La part de la rémunération médicale dans les dépenses en santé a grimpé de 12,3% à 20% - elle aurait même dépassé ce niveau de 20 % dans la dernière année. Selon le gouvernement, l'entente permettra de plafonner la rémunération médicale à 20%. Et la croissance de l'enveloppe sera limitée à 3% par année.

Québec a déjà calculé la rémunération médicale par habitant, ajustée au coût de la vie, pour 2016-2017. Elle est plus importante au Québec qu'ailleurs:

• Québec: 663 $

• Ontario: 642 $

• Reste du Canada (toutes les provinces sauf le Québec): 649 $

L'Ontario a gelé la rémunération des médecins dans les dernières années. Il y a arbitrage pour déterminer les hausses à venir. Le syndicat demande 39%. Québec craint que ces augmentations fassent en sorte qu'il doive encore bonifier la rémunération de ses médecins dans l'avenir.