Les longues listes d'attente pour passer un examen d'imagerie par résonance magnétique ou de tomodensitométrie (scan) devraient être chose du passé avec l'entente de principe conclue entre Québec et la Fédération des spécialistes du Québec. Québec et les médecins se sont entendus pour augmenter la cadence de ces appareils qui, souvent, fonctionnent à mi-régime.

L'entente prévoit que Québec accordera 60 millions de dollars par année pour des « mesures d'accessibilité », pour augmenter le nombre de patients traités. De cette injection d'argent frais, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) contribuera jusqu'à 15 millions de dollars  aux actes supplémentaires qui seront exécutés dans le réseau public.

Selon les informations obtenues par La Presse, l'entente, qui pourrait être rendue publique dès demain, prévoit que Québec mettra en place un programme pour augmenter la capacité des machines d'imagerie magnétique (IRM) et de tomodensitométrie (CT-scans). Ces appareils, incontournables pour le diagnostic d'une foule de lésions ou de cancers, devraient atteindre 16 heures d'utilisation par jour. L'argent frais ne servira pas à une hausse de tarif à l'acte mais couvrira l'augmentation de volume, le nombre d'actes faits.

Un reportage de La Presse, la semaine dernière, montrait que l'imagerie dans les hôpitaux montréalais fonctionnait plutôt à mi-régime, environ huit heures par jour. Sauf exception, tout est fermé la fin de semaine. Or au CHUM seulement, pas moins de 7000 personnes sont en attente d'une résonance magnétique ou d'un scan. À la Cité-de-la-Santé de Laval, un patient attend depuis 18 mois un scan du cerveau.

Comme il est impossible d'augmenter du jour au lendemain la productivité du parc d'appareils,  qui nécessitent des opérateurs spécialisés, Québec prévoit faire un achat de service auprès du privé, qui sera financé par le gouvernement. On soutient ne pas avoir de prévisions sur le coût supplémentaire - théoriquement, si Québec payait l'ensemble des radio effectuées dans le privé, la facture serait d'environ 60 millions de dollars par année. Si une partie des examens devait être confiée au secteur privé, Québec compte s'entendre sur un prix à l'acte avec les radiologistes, indique-t-on.

Parmi les mesures d'accessibilité se trouve un mécanisme pour parer aux « bris de service », le manque de spécialistes - actuellement des anesthésistes et des chirurgiens - dans des localités comme La Pocatière et Matane. Des mesures seront mises en oeuvre dès le 1er juin pour les hôpitaux les plus à risque.

La FMSQ accepte aussi de prendre, à l'intérieur de sa masse, une facture de 65 millions de dollars par année pour les « fonctions médico-administratives », les primes aux chefs de département, de services, etc. Cette décision dégage des sommes importantes dans le réseau - les établissements n'auront plus à payer ces coûts pour la coordination.

ENTENTE DÉVOILÉE PLUS TÔT QUE PRÉVU

Assiégé quotidiennement par les partis de l'opposition à l'Assemblée nationale, le gouvernement veut désormais divulguer les termes de l'entente de principe plus tôt que prévu ; on vise dès demain si la Fédération des spécialistes peut parapher à temps le texte qu'elle présentera à ses membres. À l'origine, on prévoyait publier l'entente le 22 février, à la toute veille d'une suspension de deux semaines des travaux à l'Assemblée nationale.

La Presse a révélé hier que cet accord prévoit des hausses de rémunération de 11,2 % (environ 550 millions) entre 2015 et 2023. En outre, Québec consent au remboursement d'une dette de 480 millions payés sur quatre années financières, d'ici 2020-2021. Il s'agit d'augmentations déjà promises en vertu d'ententes antérieures mais étalées sur un plus grand nombre d'années.

« C'est indécent au carré ! », a lancé le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée. Il a réitéré son engagement de renégocier l'entente si son parti accède au pouvoir. L'argent promis aux médecins devrait plutôt servir, par exemple, à offrir plus de soins à domicile ou encore embaucher davantage d'infirmières, selon lui. 

« Ne voit-il [le premier ministre] pas que c'est ça, la priorité pour les patients, pas aider 10 000 spécialistes qui sont déjà dans le 1 % de la population québécoise les plus riches ? »

Pour Philippe Couillard, son entente est « excellente ». « Les gens des régions, des Îles-de-la-Madeleine, La Pocatière, qui auront des anesthésistes grâce à cette entente au cours de l'été prochain, et dont les coûts sont assumés par la FMSQ, savent très bien où est le bénéfice », a-t-il affirmé. Il faisait ici allusion au mécanisme prévu dans l'entente pour éviter les ruptures de services.

MM. Couillard et Lisée s'en sont pris au chef caquiste François Legault pour avoir été celui qui a accepté en 2003, au moment où il était ministre de la Santé sous le gouvernement Landry, un rattrapage salarial avec les médecins du reste du Canada. « Il est largement responsable de la pire décision de finances publiques du siècle ! », a accusé M. Lisée. 

Le premier ministre a répliqué que le chef péquiste reconnaît ainsi que son parti est responsable de la situation. « Le gouvernement du Québec se liait à un phénomène d'équité externe, ce que jamais jusqu'à maintenant les gouvernements successifs n'avaient accepté. Alors, c'est l'engrenage qui a commencé, c'est le bras des contribuables du Québec dans le tordeur », a-t-il tonné. 

Pour lui, le gouvernement doit aujourd'hui « respecter la signature » de l'État et régler « la dette » liée au rattrapage. Ne pas le faire serait agir comme une « république de bananes », a lancé M. Couillard à l'opposition.

PLUS QU'AILLEURS, MAIS PAS POUR LONGTMEMPS ?

Québec considère aujourd'hui que les médecins spécialistes gagnent plus que ceux du reste du Canada en tenant compte du coût de la vie. Mais les choses pourraient changer dans les prochaines années, craint Philippe Couillard. Un arbitrage est en cours en Ontario pour déterminer les prochaines hausses des médecins de la province, dont la rémunération est à peu près gelée depuis quelques années. Leur syndicat réclame 39 % d'augmentation.

Philippe Couillard redoute qu'un nouvel écart se creuse et que le gouvernement soit forcé d'accorder de nouvelles hausses à ses médecins dans l'avenir. 

« C'est sa responsabilité [François Legault] d'avoir enchaîné le gouvernement du Québec à ce processus d'équité externe qui va nous entraîner encore une fois dans la même valse s'il fallait que l'Ontario accorde des augmentations importantes à son corps médical. »

L'entente avec la FMSQ, comme celle avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), prévoit de confier à un organisme indépendant, l'Institut canadien d'information sur la santé, le mandat de faire une étude comparative entre la rémunération des médecins ontariens et québécois, en tenant compte du coût de la vie. Si les médecins québécois sont lésés, le gouvernement et la FMOQ devront négocier pour trouver une façon de résorber l'écart. Un mécanisme d'arbitrage est prévu si les parties ne s'entendent pas sur la valeur de l'écart.

François Legault a laissé entendre qu'un gouvernement caquiste renégocierait avec la FMSQ. « Je trouve inacceptable [que] les Québécois gagnent en moyenne 10 % de moins que [les travailleurs] dans le reste du Canada, je ne vois pas pourquoi l'écart serait plus petit pour les médecins spécialistes, ou pire, [que ce soit] peut-être un écart positif. [...] Ça n'a pas de bon sens. [...] Nous, [à la CAQ], on va s'entendre pour que l'écart soit environ le même que pour tous les travailleurs », a-t-il dit.

- Avec la collaboration d'Hugo Pilon-Larose, La Presse