Contrairement aux médecins de famille, leurs collègues spécialistes ne toucheront pas de nouvelles hausses de rémunération en plus de celles qui leur ont déjà été promises. Mais ils échappent aux sanctions prévues à la loi 20 même s'ils n'ont pas respecté des cibles de performance au 31 décembre dernier.

Québec leur donne une «période de grâce», une année de plus, pour atteindre ces cibles, a confirmé le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, mardi. Le tiers des spécialistes s'exposaient à des sanctions allant de 10% à 30% de leur rémunération totale.

La Presse a révélé mardi que le ministre a des réserves au sujet de l'entente conclue entre le gouvernement et la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) la semaine dernière. «Je n'ai pas émis de réserves sur la place publique», a-t-il précisé devant les médias. Il relativise les «ajustements» apportés à deux de ses lois majeures en vertu de l'entente.

Le président du Conseil du trésor, Pierre Arcand, a signalé qu'«il n'y a pas d'argent neuf pour les spécialistes» avec cette entente qui s'échelonne jusqu'en 2023. Québec étale sur cette période des hausses de rémunération déjà promises aux spécialistes en vertu d'ententes passées. M. Arcand n'en a pas précisé la valeur exacte. Les ententes seront dévoilées le 22 février.

Selon ce que l'on sait de l'entente avec la Fédération des médecins omnipraticiens, ceux-ci auront droit à des augmentations de 14,7% d'ici 2023, dont 2,4% représentent de «l'argent neuf», des nouvelles hausses. Les spécialistes n'auront pas droit à cette part.

Pierre Arcand a confirmé que le gouvernement a obtenu de la part des deux fédérations l'abandon de la «clause remorque», clause qui aurait permis à leurs membres d'avoir des hausses supplémentaires équivalentes à celles obtenues dans le secteur public (5,25%).

La Presse a révélé que le gouvernement doit 480 millions aux médecins spécialistes, une dépense non récurrente qu'il remboursera sur quatre années financières. Gaétan Barrette a confirmé l'information. Pierre Arcand a reconnu que le gouvernement n'a pas versé des hausses promises dans les dernières années, d'où cette dette. «Si on avait été dans une situation budgétaire meilleure autour de 2008, probablement qu'on aurait pu régler ça et qu'on n'aurait pas ces montants astronomiques qui se promènent à gauche et à droite», a-t-il dit. «Notre rôle est de s'assurer que ça va se payer un moment donné.» Dans le cas des médecins de famille, on parle d'une ardoise de 650 millions qui sera effacée en quatre ans aussi.

Pierre Arcand considère que les ententes respectent le «cadre financier» du gouvernement: limiter à 3% par an, pour les trois prochaines années, l'augmentation de l'enveloppe totale de rémunération des médecins. Cette enveloppe atteignait 7,4 milliards en 2016-2017.

Avec les ententes, Québec atteint également son objectif de maintenir à 20%, comme en Ontario, la part de la rémunération des médecins dans l'ensemble des dépenses du ministère de Santé, a fait valoir M. Arcand. Cette part était de 12,3% il y a dix ans. La rémunération totale des médecins a bondi en moyenne de 7,5% par année depuis dix ans.

Gaétan Barrette reconnaît que l'entente vient «ajuster» les lois 20 et 130. Mais sans ces lois, la FMSQ ne se serait pas engagée par écrit, dans l'entente, à garantir l'accès aux services en tout en temps, ce qui est «historique», a-t-il plaidé. Ses lois ont forcé la main aux spécialistes selon lui.

«Pour la première fois de l'histoire, les conditions d'exercice des médecins garantissent la dispensation de services sur tout le territoire, à l'année longue, incluant Noël et le jour de l'An, pour les spécialités de base. C'est une avancée spectaculaire (...) Pensez-vous vraiment que cette entente existerait aujourd'hui s'il n'y avait pas eu la loi 130?»

Certes, les médecins toucheront des primes, mais ce sera puisé «à l'intérieur de leur enveloppe de rémunération», a-t-il insisté.

Selon les informations obtenues par La Presse, l'entente prévoit en effet des mesures pour répondre aux cas de ruptures de services en région.

Chaque établissement doit assurer les services à partir de ses équipes. Quand il n'y parvient pas dans l'une des sept spécialités de base (anesthésie, chirurgie générale, pédiatrie, gynécologie-obstétrique, radiologie et médecine interne), on fera appel aux équipes nationales, qui assureront la couverture. 

Les médecins auront une prime de 700 $ ou 800 $ par jour. Les sommes seront prises à même la masse salariale de leur spécialité. Cette couverture totale coûtera environ 10 millions, qui seront pris sur la masse salariale de ces spécialistes avoisinant les 5 milliards annuellement.

Pour les anesthésistes, si le «parrainage» entre établissements ne peut assurer la continuité des services, on mettra en place une équipe d'urgence, de trois spécialistes, qui n'auront pas d'autre affectation. Ils seront disponibles pour couvrir toutes les urgences.

Les hôpitaux en rupture de services ont été classifiés en trois groupes. Le premier compte environ sept établissements et sera pris en charge dès le 1erjuin. Un autre groupe de sept hôpitaux sera couvert le 1er septembre, et le dernier, moins à risque, sera couvert d'ici le 1er mars 2019. L'entente prévoit aussi des sanctions aux médecins et aux associations qui ne se conformeront pas aux mesures destinées à empêcher les ruptures de services.

La chirurgie sera couverte de la même manière à compter de septembre. Les autres spécialités de base, moins sous pression, seront à l'abri des ruptures de services à compter de mars 2019.

L'entente contourne en quelque sorte le processus prévu à la loi 130. M. Barrette voulait que de nouvelles obligations soient imposées aux médecins pour conserver leurs «privilèges», c'est-à-dire le droit de pratiquer à l'hôpital. Les établissements n'auraient pas vraiment à en imposer compte tenu de l'entente.