Québec doit 480 millions aux médecins spécialistes, une dépense non récurrente qu'il remboursera sur quatre années financières. Les 10 000 médecins spécialistes recevront un chèque d'environ 12 000 $ en moyenne d'ici le 31 mars, a appris La Presse de sources sûres.

Ces sommes auraient dû être versées aux médecins en 2015-2016 et en 2016-2017. Elles ne l'ont pas été parce que le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, les avait retenues comme levier dans le cadre des négociations avec les spécialistes dont il était responsable, ont confié des sources gouvernementales. La facture a grimpé durant les dernières années, mais l'origine de cette dette vient de sommes non versées à la suite des ententes conclues par le gouvernement Marois.

Cette somme de 480 millions était déjà inscrite dans le budget de Carlos Leitão, déposé il y a un an. Ce sont des sommes qui s'accumulent. Elles sont constituées des augmentations qui avaient été convenues depuis 2014 mais qui n'avaient pas été versées. Ce remboursement n'est pas un montant forfaitaire uniforme. Il sera versé en fonction du niveau de facturation du médecin, expliquent des sources proches de l'entente.

Québec a une ardoise semblable avec les médecins omnipraticiens. Dans leur cas, elle s'élève à 650 millions de dollars. Des chèques, non récurrents, seront accordés sur quatre années financières, en vertu de l'entente conclue l'automne dernier et dont seulement quelques éléments ont été présentés sur la place publique.

Le ministère des Finances et le Conseil du trésor doivent faire le point entre eux aujourd'hui au sujet des conséquences exactes sur les finances publiques de l'entente de principe avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ). On insiste toutefois : cette « dette » à l'endroit des spécialistes était déjà inscrite dans les équilibres financiers antérieurs. Il ne s'agit pas d'une dépense supplémentaire.

RUPTURES DE SERVICES

Selon les informations obtenues, l'entente qui sera rendue publique le 22 février, une fois que la session sera suspendue pour la relâche à l'Assemblée nationale, prévoit aussi des mesures pour répondre aux cas de ruptures de services en région. Le manque d'anesthésistes à La Pocatière ou à Maria, notamment, a fait la manchette dans les derniers mois.

Chaque établissement doit assurer les services à partir de ses équipes. Quand il n'y parvient pas dans l'une des sept spécialités de base (anesthésie, chirurgie générale, pédiatrie, gynécologie-obstétrique, radiologie et médecine interne), on fera appel aux équipes nationales, qui assureront la couverture. 

Les médecins auront une prime de 700 $ ou 800 $ par jour. Les sommes seront prises à même la masse salariale de leur spécialité. Cette couverture totale coûtera environ 10 millions, qui seront pris sur la masse salariale de ces spécialistes avoisinant les 5 milliards annuellement.

Pour les anesthésistes, si le « parrainage » entre établissements ne peut assurer la continuité des services, on mettra en place une équipe d'urgence, de trois spécialistes, qui n'auront pas d'autre affectation. Ils seront disponibles pour couvrir toutes les urgences.

Les hôpitaux en rupture de services ont été classifiés en trois groupes. Le premier compte environ sept établissements et sera pris en charge dès le 1er juin. Un autre groupe de sept hôpitaux sera couvert le 1er septembre, et le dernier, moins à risque, sera couvert d'ici le 1er mars 2019. L'entente prévoit aussi des sanctions aux médecins et aux associations qui ne se conformeront pas aux mesures destinées à empêcher les ruptures de services.

La chirurgie sera couverte de la même manière à compter de septembre. Les autres spécialités de base, moins sous pression, seront à l'abri des ruptures de services à compter de mars 2019.

Chose certaine, Gaétan Barrette ne cachera pas qu'il éprouve des réserves à l'endroit de l'accord conclu. Il est peu probable qu'il le défende à la période quotidienne des questions à l'Assemblée nationale.

L'entente a été conclue par l'ex-secrétaire général du gouvernement, Roberto Iglesias qui, c'est bien connu à Québec, aura été un adversaire pugnace pour Gaétan Barrette depuis le début du gouvernement au printemps 2014. En décembre dernier, M. Barrette avait finalement été écarté de cette discussion avec la Fédération des médecins spécialistes, une négociation qui se dirigeait de toute évidence vers un affrontement en règle. « Il y a plus d'une manière de faire frire un poisson », résume-t-on.

Des sources fiables indiquent que M. Barrette éprouve toujours de sérieuses réserves quant aux résultats des négociations avec les spécialistes. Ces derniers n'affichent plus un retard par rapport à leurs collègues des autres provinces - leur rémunération serait de 10 à 15 % supérieure à la moyenne canadienne. Quand le Dr Barrette était l'interlocuteur, la position de Québec était que les spécialistes n'avaient pas besoin du rattrapage salarial qui servait de base à toute cette négociation. Mais à huit mois des élections générales, Philippe Couillard ne voulait pas une collision frontale avec les médecins.

Québec ne remet donc pas en question dans son entente les hausses de rémunération déjà promises aux spécialistes. Il les étale sur un plus grand nombre d'années, d'ici 2023 plutôt que 2021. Les spécialistes auraient ainsi droit à des augmentations un peu inférieures aux 14,7 % d'ici 2023 obtenues par les médecins de famille. Il s'agit dans ce cas de dépenses récurrentes.