La « menace terrible » des optométristes de se retirer du régime public à compter du 10 mars est injustifiée, estime le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette. Il soupçonne leur association de vouloir profiter de la période préélectorale pour faire pression sur le gouvernement.

« Il y a un timing extraordinaire dans cette manoeuvre-là ! », a-t-il lancé lors d'une mêlée de presse mercredi, juste avant la réunion hebdomadaire du conseil des ministres.

Par voie de communiqué, l'Association des optométristes du Québec a annoncé que 90 % de ses membres ont décidé de se retirer de la RAMQ, une mesure qui prendrait effet le 10 mars. Elle conclut à « l'échec des négociations » avec le gouvernement sur le renouvellement de leur entente de tarification. Cette entente définit les conditions de participation des optométristes au régime public qui couvre la population de moins de 18 ans, de 65 ans et plus et les prestataires de la sécurité du revenu.

« Je suis un peu surpris, parce qu'on a eu deux séances de négociation. Deux. Et là, on est rendu au retrait... Je les invite à revenir à la table », a réagi M. Barrette. Il résume la situation en disant que « quand une négociation commence, on commence toujours avec un point de départ très élevé et avec une menace terrible ».

Selon l'Association, leurs demandes ont été déposées le 13 février 2017, une courte rencontre a eu lieu en juillet ; puis le gouvernement a présenté son offre le 12 décembre, et une autre rencontre s'est tenue le 17 janvier.

Les demandes des optométristes sont « très, très importantes » aux yeux de Gaétan Barrette.

L'Association qualifie quant à elle de « dérisoire » l'offre gouvernementale. Cette offre représente des hausses de tarif inférieures à l'indice des prix à la consommation (IPC), selon elle. On parle de 5,5 % en cinq ans. 

« Il y a un ras-le-bol généralisé dans la profession face aux honoraires insuffisants payés par la RAMQ, par exemple 12 $ pour une urgence oculaire ou 42 $ en moyenne pour un examen de la vue versus 95 $ au privé selon le guide tarifaire de l'AOQ. Notre patience est à bout et un rattrapage est essentiel, considérant de plus que la population couverte par la RAMQ représente plus de 50 % de nos patients, et que cette proportion est en croissance en raison du vieillissement de la population », estime son président, Steven Carrier. Selon lui, les coûts d'exploitation encourus par les optométristes ont augmenté trois fois plus que les honoraires à l'acte au cours des 30 dernières années. Les hausses accordées par le MSSS durant cette période ne totalisent en moyenne que 1,6 % par année, sous la barre de l'IPC, avance l'Association.

La rémunération totale des 1400 optométristes par la RAMQ s'élève à 56,5 millions par année.

Le conflit survient peu de temps après la présentation de la stratégie gouvernementale destinée aux enfants de huit ans et moins. Cette stratégie prévoit que des tests de dépistage de troubles de la vue seront désormais offerts à l'école dès la rentrée de l'automne. 

Les examens de la vue sont déjà payés par l'État pour les enfants. Or, seulement 20 % des parents en font passer un à leur enfant avant l'âge de 6 ans. Québec a décidé d'offrir l'examen à l'école pour dépister les déficiences dès la maternelle, à 4 ou 5 ans. Les moyens de pression des optométristes pourraient compromettre cette initiative.