« Moi, je veux qu'on ait l'appui des médecins. Que le gouvernement admette qu'il y a un problème et qu'on travaille tout le monde ensemble. On ne peut pas laisser les gens de même ! »

Rémy Fortin « capote », pour reprendre ses mots, parce que « personne ne veut le soigner » ici, au Québec. L'agent de la faune dépérit à vue d'oeil depuis qu'il a contracté la maladie de Lyme, possiblement en 2011 dans le cadre de son travail. Du moins, c'est ce qu'indiquent les résultats de ses tests sanguins, analysés aux États-Unis. Parce que selon le processus de dépistage utilisé au Canada, il n'y a rien à signaler. Donc rien à traiter.

« Ça n'a aucun bon sens, déplore le père de famille en détachant chacune des syllabes. C'est une maladie à déclaration obligatoire, mais les gars comme moi qui reçoivent un diagnostic aux États-Unis, on n'a rien aux yeux du gouvernement. On n'est pas malades ! On se fait dire que c'est dans notre tête. »

« UN PROBLÈME URGENT »

Les instigateurs de la pétition demandent au gouvernement d'injecter au plus vite des ressources dans la recherche d'une solution qui profitera à tous.

« La pétition demande des choses bien précises au gouvernement : de reconnaître que c'est un problème urgent en termes de santé publique, de se doter d'un plan d'action en conséquence et de créer un comité d'experts pour ce faire », explique Sylvain Pagé, député péquiste de Labelle et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé publique et de prévention, qui déposera la pétition ce matin. La pétition demande aussi une protection pour les médecins prodiguant des soins qui ne figurent pas au protocole officiel actuel.

CONTROVERSE MÉDICALE

Entre-temps, Rémy est laissé à lui-même. Tout comme des dizaines d'autres personnes, déplore l'Association québécoise de la maladie de Lyme (AQML).

« Les statistiques n'incluent pas ces gens-là », regrette Marguerite Glazer, présidente de l'AQML qui, après 15 ans de recherches vaines au Québec, a elle-même été soignée aux États-Unis par un traitement aux antibiotiques de six mois.

Les cas comme celui de Mme Glazer font grincer des dents une partie du corps médical. En plus de devoir composer avec des méthodes de dépistage différentes, tous les médecins ne s'entendent pas sur la façon de traiter la maladie, et d'aucuns dénoncent les diagnostics faits par les cliniques privées américaines.

« Le plus difficile, c'est que le système médical ici est complètement fermé et nous attaque comme si on avait un intérêt quelconque ou comme si on était tellement dupes qu'on croyait n'importe quoi », rapporte Mme Glazer, qui se réjouit néanmoins des récentes initiatives mises en branle du côté fédéral.

COMITÉ D'EXPERTS

En mai dernier, Ottawa a annoncé 4 millions pour la création d'un réseau de recherche permettant de diagnostiquer plus rapidement et de mieux traiter la maladie de Lyme. Les équipes de chercheurs ont jusqu'au 6 mars pour soumissionner afin d'obtenir le financement.

« Essentiellement, ce réseau-là va essayer de développer de meilleurs outils pour mieux diagnostiquer la maladie de Lyme », explique le Dr Marc Ouellette, directeur scientifique de l'Institut des maladies infectieuses et immunitaires de l'Institut de recherche de Santé Canada.

« On veut aussi, pour les cas plus compliqués, développer de meilleurs marqueurs pour confirmer les cas de maladie de Lyme et voir quelles sont les approches pour ces cas-là qui ont plus progressé et qui sont plus fulgurants », explique le directeur scientifique, qui reconnaît que des cas échappent à la méthode de dépistage actuelle.

« En général, la maladie de Lyme est relativement facile à diagnostiquer et à traiter. Mais il y a des cas qu'on va manquer parce que les symptômes ne sont pas exactement ce qu'ils devraient être ou que ce n'était pas connu que la tique pouvait être dans cette région-là, cite-t-il en exemple. Ça devient plus compliqué à traiter, parce que les symptômes peuvent être ceux de plusieurs types de maladies. »

DOUBLON ?

La démarche demandée au Québec ne serait-elle pas un doublon de ce qui se fait au Canada ? Le député Sylvain Pagé croit plutôt le contraire.

« Tant mieux si le fédéral accélère la recherche, mais quand arriveront les résultats, la mise en application, ça va se faire chez nous, par les médecins québécois », a soulevé M. Pagé.

« Il y a quatre ou cinq ans, on n'en parlait pas, on ne savait même pas que ça existait. Là, d'année en année, les tiques montent plus haut, dans le nord du Québec. Il ne faut pas attendre que ce soit encore pire », a dit M. Pagé.

Le nombre de cas de maladie de Lyme signalés a plus que sextuplé au pays depuis 2009, passant de 144 à 917 en 2015, selon les données les plus récentes de Santé Canada. La maladie de Lyme gagne du terrain, conséquence indéniable de la migration de la tique porteuse de la bactérie vers le nord de l'Amérique avec le réchauffement climatique. Partout où on la trouve, on entend des histoires controversées comme celle de Rémy, qui ne demande qu'une chose : guérir.

« L'État ne peut pas nous laisser de même ! On est désemparés. »

photo tirée de facebook

Rémy Fortin et sa famille

Photo Hugo-Sébastien Aubert, Archives La Presse

Marguerite Glazer, présidente de l'AQML

Les symptômes possibles de la maladie de Lyme

DE 3 À 30 JOURS APRÈS L'INFECTION

• Lésion à la peau

• Fièvre

• Douleurs musculaires

• Maux de tête

À LONG TERME, SI NON TRAITÉE

• Fatigue généralisée

• Problèmes cardiaques

• Problèmes neurologiques

• Arthrite

• Méningite

• Troubles de la mémoire