L'hôpital Notre-Dame reste ouvert malgré le déménagement de la plupart de ses départements et de son personnel vers le nouveau CHUM. Depuis hier, il a changé de mission. Des médecins nous expliquent pourquoi ils ont choisi d'y travailler même si, à première vue, le vieil hôpital de la rue Sherbrooke n'a pas les attraits du nouveau CHUM.

LE Dr STANLEY VOLLANT : «UN HÔPITAL À ÉCHELLE HUMAINE»

Le premier autochtone au Québec à être devenu chirurgien revient à l'hôpital Notre-Dame, plus de 20 ans après y avoir fait ses trois dernières années de résidence. Le chirurgien - qui commence à travailler aujourd'hui à Notre-Dame - dit avoir été séduit par l'idée de «bâtir un hôpital à échelle humaine» au coeur d'un quartier où il y a des populations vulnérables. Notre-Dame ne fait plus partie du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) depuis hier. Le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal prend le relais. L'hôpital passe de 400 à 250 lits. 

«Le milieu de la santé n'est pas toujours facile, souligne le Dr Vollant. Par expérience, les hôpitaux où le personnel est heureux offrent les meilleurs soins.» Le Dr Vollant s'est donc lancé le défi de développer un «esprit de famille et d'entraide» au sein du département de chirurgie. «Si tous les canoteurs rament dans la même direction dans un rapide, tout le monde survit. Si on rame dans des directions différentes, on finit par chavirer», affirme le médecin, qui travaillait jusqu'à tout récemment à Dolbeau-Mistassini.

LA Dre YASMINE RATNANI : UN PROJET «EMBALLANT»

À compter d'aujourd'hui, Notre-Dame offre des services de pédiatrie. «C'est tellement emballant de créer un département », lance la jeune pédiatre Yasmine Ratnani, qui a terminé sa résidence il y a un an et demi à peine. De plus, d'ici 2019, l'hôpital se dotera d'une unité d'obstétrique. «La mission de l'hôpital - offrir des soins pour tout le cycle de la vie, de la naissance aux soins de fin de vie, et ce, en lien étroit avec les organismes dans la communauté - rejoint mes valeurs sociales profondes», dit la médecin, qui travaille aussi au centre de pédiatrie sociale du Dr Julien, situé à deux pas de l'hôpital dans le quartier Centre-Sud. 

Dans sa pratique, la pédiatre voit souvent de jeunes patients avec des retards de langage. La première chose à faire, explique-t-elle, c'est de les envoyer passer un test d'audition. Or, avant que Notre-Dame change de vocation, elle devait envoyer ses petits patients passer cet examen à Sainte-Justine ou à l'Hôpital de Montréal pour enfants. Pour des familles vulnérables, pour qui les transports sont souvent compliqués, c'était un grand obstacle, explique-t-elle. À compter d'aujourd'hui, elle pourra leur faire passer l'examen à Notre-Dame. «En augmentant l'accessibilité aux soins, on accélère le processus de réadaptation de ces enfants-là. C'est majeur», dit la médecin de 36 ans.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Yasmine Ratnani

LE Dr CÉDRIC ANDRES : SE RAPPROCHER DES PATIENTS

Une partie du département de psychiatrie reste à Notre-Dame. Une équipe d'une quinzaine de psychiatres va ainsi continuer à offrir des soins aux clientèles vulnérables comme les sans-abri et les toxicomanes. Les psychiatres qui «sortaient déjà de l'hôpital» pour se rendre dans le milieu de vie du patient - souvent carrément dans la rue, dans le métro ou dans les refuges pour sans-abri - vont poursuivre leur mission, explique le Dr Cédric Andres, chef du département de psychiatrie du CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal. Ces mêmes psychiatres vont désormais travailler de façon plus étroite avec les médecins de famille qui pratiquent dans les groupes de médecine de famille (GMF) - il y en a 11 sur le territoire de ce CIUSSS. 

«On se rapproche encore davantage du patient avec notre nouvelle mission, vante le Dr Andres. C'est moins stigmatisant pour une personne d'aller rencontrer un psychiatre au GMF que d'aller au pavillon Mailloux [le pavillon psychiatrique de Notre-Dame lorsque l'hôpital était encore sous l'égide du CHUM] qui clignotait PSYCHIATRIE.» L'unité de psychiatrie de Notre-Dame sera d'ailleurs complètement rénovée et réaménagée pour s'adapter aux meilleures pratiques, dit-il.

SONIA BÉLANGER ET PIERRE-PAUL MILETTE : COLLABORATION, PASSION ET ENGAGEMENT

La première est PDG du CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal et le second est son directeur général adjoint, programme santé physique générale et spécialisée

«C'est un énorme défi de transformer un hôpital universitaire en hôpital de soins de proximité», souligne la PDG du CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal, Sonia Bélanger. En l'espace de quelques mois, comme la plupart des médecins déménageaient au nouveau CHUM, elle a dû en recruter environ 150 nouveaux. «Certains pessimistes m'avaient dit : "Tu n'y arriveras pas, Sonia. Les médecins sont tellement sollicités, il en manque dans tellement de régions"», raconte-t-elle. Or, la PDG peut dire mission accomplie : il ne lui reste qu'un ou deux postes à pourvoir sur les 150. 

«La nouvelle mission de Notre-Dame s'inscrit dans un changement de valeurs qu'on observe dans la société québécoise, dit Mme Bélanger. On mise sur la collaboration, la passion et l'engagement.» La PDG était présente lorsque La Presse a interviewé ses nouveaux médecins. «Un chirurgien qui vous dit qu'il veut créer une grande famille à l'hôpital, moi, ça m'inspire. C'est différent de ce qu'on peut entendre ailleurs», lance-t-elle. «On avait une occasion unique de faire une métamorphose totale, ajoute son collègue à la direction, Pierre-Paul Milette. C'est rare qu'on a la possibilité de choisir toute son équipe médicale en fonction d'une philosophie, soit d'offrir des soins de proximité en lien étroit avec les organismes dans la communauté.»

***

BREF PORTRAIT DU BASSIN DE POPULATION DESSERVI PAR NOTRE-DAME

• 139 875 résidants

• Des clientèles vulnérables aux prises avec des problématiques d'itinérance, de prostitution et de toxicomanie

• Population de moins de 18 ans en croissance

• Espérance de vie plus courte que la moyenne montréalaise

• Taux de prévalence de maladies chroniques en progression

• Présence de problématiques de santé mentale

Source : CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal

LISTE DES SPÉCIALITÉS MÉDICALES À NOTRE-DAME

Anesthésiologie, cardiologie, chirurgie générale, chirurgie orthopédique, gastro-entérologie, gériatrie, maladies infectieuses, médecine d'urgence, médecine interne, neurologie, obstétrique et gynécologie, oto-rhino-laryngologie, pédiatrie générale, pneumologie, psychiatrie, radiologie diagnostique, urologie

HISTOIRE DE L'HÔPITAL NOTRE-DAME

En 1880, le Dr Emmanuel Persillier-Lachapelle - avec l'aide du curé de la paroisse Notre-Dame Victor Rousselot et de mère Julie Haineault-Deschamps, de la congrégation des Soeurs grises - fonde l'hôpital Notre-Dame dans les anciens locaux de l'hôtel Donegana situés dans la rue Notre-Dame. Les locaux deviennent vite vétustes et inadéquats, si bien que dès 1901, le terrain de la rue Sherbrooke est acheté. Le nouvel hôpital est achevé en 1924.  En 1952 et en 1960, les pavillons Mailloux et Lachapelle sont construits et annexés à l'hôpital Notre-Dame. Finalement, en 1968, l'hôpital Notre-Dame acquiert la Conciergerie Maisonneuve, qui deviendra plus tard le pavillon L.-C. Simard. Le 1er octobre 1996, l'hôpital Notre-Dame signe le protocole d'entente qui le rattache au CHUM et fait de lui l'un des trois hôpitaux du CHUM. 

Source : CHUM

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Cédric Andres