Deux ans après la réforme Barrette, l'accès à certains services de santé «pose toujours problème», soutient le Protecteur du citoyen dans son rapport annuel déposé à l'Assemblée nationale jeudi.

L'an dernier, la protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, avait dénoncé une série d'impacts négatifs de la réforme adoptée sous le bâillon à l'Assemblée nationale et mise en oeuvre au printemps 2015. Cette réforme a entraîné la fusion des établissements de santé et l'intégration à une échelle régionale les offres de services locales.

La successeure de Mme Saint-Germain au poste de Protecteur, Marie Rinfret, constate que les problèmes persistent. «Le déploiement de la réforme (...) n'apporte pas encore les améliorations attendues en ce qui concerne l'accès à certains services adaptés aux besoins des personnes», écrit-elle dans son rapport. «À titre d'exemple, je constate que l'offre de services tend à un nivellement vers le bas, particulièrement en matière de soutien à domicile. Des personnes qui recevaient un certain nombre d'heures de services apprennent qu'elles subissent une coupe ou qu'elles n'y ont plus droit alors que les besoins n'ont pas diminué.» Elle constate que dans l'exercice d'intégration des offres de services, «on choisit le modèle local qui représente une économie de moyens et on l'étend à une échelle régionale».

Alerté par des plaintes de citoyens, le Protecteur a recueilli l'avis des responsables des services de soutien à domicile dans les CISSS et CIUSSS. «Les constats sont clairs : la majorité des intervenants et intervenantes du réseau peinent à mettre en oeuvre la réforme d'avril 2015, notamment pour combler les besoins en soutien à domicile. Il est impératif que le Ministère fournisse rapidement les balises décisionnelles nationales afin que les services soient harmonisés dans l'ensemble du réseau, sur tout le territoire du Québec.»

Dans son Plan stratégique 2015-2020, le Ministère s'est donné pour cible d'augmenter de 15 % le nombre de personnes âgées en perte d'autonomie recevant des services à domicile. Or, pour la première année d'implantation, il y a une légère diminution (0,9 %). «Seulement 8,6 % des personnes âgées de 65 ans et plus reçoivent de tels services».

La durée moyenne d'intervention a diminué de 7,4 % entre 2010 et 2016, pour atteindre 44 minutes. «Cette situation s'explique notamment par l'apparition de nouvelles balises limitant le temps consacré à chacune des activités offertes», pour donner un bain ou préparer les repas par exemple. Des établissements ont ainsi diminué le temps alloué pour chaque tâche. «D'autres réduisent substantiellement les plans de services sans évaluation préalable ou établissements des plafonds d'heures de services, même si, dans certains cas, ce seul maximal ne répond que partiellement aux besoins de la personne.»

Le Protecteur prévient que «l'augmentation du nombre de personnes aidées ne doit pas se faire au détriment de l'intensité et de la qualité des services offerts».

Autre problème : «de moins en moins en mesure de répondre à la demande, des établissements éliminent des services», comme l'aide pour faire les courses. Certains ont mis fin à la gratuité des services d'aide domestique «sans tenir de la capacité de payer des usagers».

«Dans d'autres cas, on exige une implication sans cesse accrue des aidants naturels, parfois au détriment du respect de la dignité et de l'intimité de la personne aidée», ajoute-t-elle. 

Marie Rinfret dénonce également «un manque préoccupant de places disponibles en CHSLD», au moment où les besoins s'accroissent. Elle constate «un resserrement des critères d'admissibilité», une «augmentation des délais d'attente», et le «recours de plus en plus fréquent à des résidences privées pour aînés» qui ne sont pas en mesure d'héberger des personnes en lourde perte d'autonomie.

Dans le cas des personnes handicapées avec des besoins complexes, l'État signe des contrats avec des ressources d'hébergement où, dans certains cas, le personnel est en nombre insuffisant ou manque de formation. «Fait exceptionnel et particulièrement inquiétant cette année : les interventions du Protecteur du citoyen ont mené à la fermeture de trois ressources» note Marie Rinfret dans son rapport.

Un exemple: «Une personne hébergée dans une ressource intermédiaire était maltraitée par d'autres résidents, et ce, depuis quelques années», au vu et au su de l'établissement responsable.

Plus globalement, elle relève que les longs délais d'attente sont le principe motif de plaintes des citoyens à l'égard de l'administration publique. Que ce soit pour traiter un dossier, rendre une décision, entreprendre le paiement d'une indemnisation ou encore fixer une audition devant un tribunal administratif. «Ces délais s'élèvent parfois à plusieurs mois, voire à des années», déplore Mme Rinfret.