Le gouvernement Couillard s'attend à ce que la crise des opioïdes qui sévit dans l'Ouest canadien gagne le Québec. Il va donc faciliter l'accès à un médicament qui permet de neutraliser l'effet de ces drogues et il met sur pied une enquête pour identifier les médecins «déviants» qui alimentent le fléau.

Les ministres de la Santé Gaétan Barrette et de la Santé publique Lucie Charlebois comptent présenter d'ici la fin de l'année un plan d'action détaillé pour faire face à l'arrivée de la crise des opioïdes.

La consommation d'opioïdes fait des ravages sur la côte Ouest, où des centaines de personnes sont mortes de surdoses de fentanyl dans les dernières années. D'abord conçu comme un analgésique, ce médicament est aujourd'hui produit dans des laboratoires clandestins et mis en vente sur le marché noir.

La substance produit un effet euphorisant, mais une quantité minuscule suffit à provoquer une surdose. La vague de surdoses mortelles a pris des proportions catastrophiques à Vancouver et le problème s'est manifesté récemment à Toronto.

«Inévitable»

«Il est inévitable que ça se rende chez nous», a prévenu le ministre Barrette.

En attendant d'accoucher d'une stratégie plus large, Québec facilite sur-le-champ l'accès à la naloxone. Ce médicament permet de stopper temporairement les effets du fentanyl et ainsi d'éviter des surdoses fatales.

Le produit sera offert gratuitement dans les pharmacies. Québec permettra aussi à toute personne de l'administrer, y compris les policiers ou les pompiers qui auront à intervenir auprès de victimes.

«Ça va être accessible pour tout le monde, a indiqué Lucie Charlebois. Si vous pensez qu'il y a quelqu'un dans votre entourage [...] qui [risque] de faire des surdoses, vous pouvez vous rendre à la pharmacie et l'obtenir gratuitement.»

Médecins «déviants»



Le problème des opioïdes n'est pas seulement lié aux drogues illicites. De nombreux cas de surdoses touchent des patients qui sont devenus dépendants de médicaments prescrits par leur médecin.

Le ministre Barrette souhaite un «changement de culture» dans la profession médicale. Le Collège des médecins participera à une enquête épidémiologique et pourra accéder en temps réel à l'ensemble des ordonnances d'opioïdes faites par le corps médical.

«Cela va nous permettre de mettre le doigt sur les médecins déviants parmi la mer de normalité», explique le Dr Charles Bernard, PDG du Collège.

En surveillant ainsi les ordonnances, le Collège pourra cibler les médecins qui signent des ordonnances complaisantes et limiter leurs privilèges de pratique en leur interdisant de prescrire des opioïdes, par exemple.

Plusieurs provinces, dont la Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario, ont instauré des mécanismes semblables depuis 2012.

Dans un rapport publié en juin, l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a confirmé que le taux de mortalité attribuable à la consommation d'opioïdes est en hausse constante depuis quelques années. Le nombre de morts liées spécifiquement au fentanyl a décuplé.

La Presse a révélé qu'une vague de surdoses au fentanyl avait frappé Montréal le mois dernier. Sept cas ont été recensés dans la seule journée du 18 août. La situation a inquiété le Service de police de la Ville de Montréal, au point qu'il est intervenu d'urgence pour arrêter les individus soupçonnés d'être les trafiquants.

NOMBRE ANNUEL MOYEN DE MORTS ATTRIBUABLES AU FENTANYL*

• 2000-2004 : 1

• 2005-2009 : 8

• 2010-2014 : 16

• 2015 : 32

• 2016 : 27

Source : Institut national de santé publique du Québec



* Les chiffres pour 2015 et 2016 sont qualifiés de «provisoires», car la compilation des données de l'INSPQ n'est pas terminée.

- Avec Tristan Péloquin, La Presse