L'industrie du médicament générique échappe à la «main invisible» qui régit l'économie, a dénoncé le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, mercredi. Il a du coup confirmé son intention de lancer des appels d'offres pour assurer l'approvisionnement de la province.

La Presse rapportait en matinée que le ministre lancera dans les prochains jours une série de concours pour approvisionner le régime public d'assurance médicaments. Québec a écrit au Bureau de la concurrence pour lui demander de surveiller le processus, laissant entendre que l'industrie se livre à des pratiques anticoncurrentielles.

Si Québec s'est adressé au chien de garde des marchés publics, c'est parce que les appels d'offres visant l'approvisionnement en médicaments génériques «ont eu peu de succès» ailleurs au Canada, a convenu M. Barrette.

«La main invisible d'Adam Smith selon laquelle le marché génère toujours le plus bas prix possible, ça a l'air qu'elle très invisible dans le marché du médicament», a-t-il convenu.

Bien qu'il se garde d'accuser les compagnies pharmaceutiques de collusion, il promet de rétablir le jeu de la concurrence.

Selon nos informations, Québec s'attend à ce que le processus d'appel d'offres qu'il lancera bientôt fasse baisser les prix de 25% à 40% selon le type de médicament. Cela pourrait entraîner des économies annuelles de 300 millions dans le régime public d'assurance médicaments. Ce régime achète 800 millions de médicaments génériques par année.

M. Barrette promet depuis des mois des mesures pour faire baisser le prix des médicaments génériques qui sont vendus dans les pharmacies. Québec a adopté l'an dernier le projet de loi 81, qui permet au gouvernement d'organiser des appels d'offres pour forcer une concurrence entre les fournisseurs.

Le ministre n'avait pas encore mis en oeuvre ce processus, puisqu'il a négocié pendant plusieurs mois avec l'Alliance canadienne du médicament générique, qui regroupe les principaux acteurs de l'industrie.

Ces pourparlers ont achoppé dans les dernières semaines. L'exercice a néanmoins convaincu M. Barrette que les prix des molécules sont trop élevés.

«Si une compagnie a la capacité de donner 70% de ristourne à un pharmacien - 70% du prix de vente - c'est parce qu'elle a de la marge de manoeuvre, a-t-il dit. Qui paie cette marge de manoeuvre? Le gouvernement. Qui est le gouvernement? C'est vous.»

L'industrie veut négocier

L'ACMG s'est dite «déçue» du lancement du processus d'appels d'offres. Son président, Jim Keon, affirme que ses membres ont négocié de bonne foi avec le gouvernement. Il soutient que c'est le ministre Barrette qui a mis fin aux pourparlers.

M. Keon espère reprendre rapidement des négociations avec Québec pour éviter le recours à des marchés publics.

«Nous croyons qu'il reste encore du temps pour retourner à la table de négociation et d'en venir à une entente négociée», a résumé M. Keon.

L'organisme s'oppose au lancement d'appels d'offres, car les contrats d'exclusivité qui en découleraient auront pour effet d'augmenter les risques de pénuries.

Il fait aussi valoir que l'achat de molécules produites à l'extérieur du pays pourrait mettre en péril le secteur pharmaceutique, qui emploie 4000 personnes au Québec.

QS applaudit 

Le ministre Barrette a reçu appui en apparence improbable dans sa tentative de faire baisser les prix des médicaments génériques. Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, a applaudi sa décision de lancer des appels d'offres.

«Je suis content de voir que M. Barrette agit enfin dans ce domaine, a dit M. Khadir. Je dis simplement qu'il faudrait étendre le processus.»

Le député suggère que le processus d'appel d'offres soit étendu aux médicaments brevetés, donc non-génériques. Son parti milite d'ailleurs pour la création de «Pharma-Québec», un organisme public qui serait chargé de l'acquisition de produits pharmaceutiques.