Alors qu'Ottawa doit déposer jeudi son projet de loi très attendu sur la légalisation du cannabis, les producteurs craignent que le gouvernement les oblige à vendre leur marijuana dans des emballages neutres, sans marques - comme on le fait presque, déjà, pour la cigarette.

Plusieurs producteurs ont plaidé auprès du gouvernement, au cours des derniers mois, qu'il leur sera difficile de concurrencer la marijuana illégale s'ils ne peuvent identifier d'une quelconque façon leurs produits.

Depuis quelques années, le gouvernement canadien a petit à petit obligé les cigarettiers à réduire l'espace consacré à la marque sur leurs paquets. Devant un comité sénatorial, mercredi, la ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, a évoqué l'idée d'obliger les cigarettiers à bannir complètement les marques sur les paquets.

La ministre Philpott n'a pas voulu dévoiler si le projet de loi sur la marijuana contiendrait de telles dispositions, comme le recommandait en novembre le Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis. Mais en entrevue avec La Presse canadienne, elle a plaidé que les autorités doivent s'inspirer de la lutte contre le tabagisme pour envisager la marijuana sous l'angle de la santé publique.

Les producteurs de marijuana, qui tiennent à leur spécificité commerciale, s'opposent évidemment à cette idée d'emballages neutres.

Sept producteurs ont écrit à la ministre Philpott et au premier ministre Justin Trudeau pour les mettre en garde contre les effets pervers d'une telle mesure. «Sans marques et sans mise en marché en magasin, il sera très difficile de renseigner le consommateur sur les différents produits», plaident-ils. «De plus, grâce aux marques identifiables, les producteurs et les détaillants seront encouragés à offrir des produits de qualité et de l'information aux clients.»

Par ailleurs, le milieu médical a bien hâte de voir si Ottawa va retenir la recommandation de limiter la vente de marijuana aux adultes de 18 ans et plus - une restriction que M. Trudeau avait qualifiée de raisonnable l'an dernier.

L'Association des psychiatres du Canada, dans une mise en garde contre les implications de la légalisation du cannabis sur la santé des jeunes gens, a plaidé pour une limite fixée à 21 ans. Les psychiatres recommandent même de limiter la quantité et la puissance de la marijuana vendue aux moins de 25 ans.

La ministre Philpott rappelle que l'objectif du gouvernement est justement de remédier aux «taux très élevés» de consommation chez les jeunes Canadiens - parmi les plus élevés dans le monde.

Les provinces, quant à elles, souhaitent que le gouvernement fédéral assume les dépenses supplémentaires qui seront requises en matière de sécurité publique.