Un psychiatre consulté par le gouvernement Couillard l'a mis en garde contre les possibles dérives associées à la légalisation du cannabis.

Les adolescents seraient particulièrement vulnérables, a affirmé le docteur Didier Jutras-Aswad, en entrevue avec La Presse canadienne, mercredi.

M. Jutras-Aswad est médecin psychiatre, chercheur et directeur de l'Unité de psychiatrie des toxicomanies du Centre hospitalier de l'Université de Montréal.

Il est également professeur au département de psychiatrie de l'Université de Montréal.

Selon lui, les adolescents qui consomment du cannabis régulièrement sont deux à trois fois plus à risque de développer des problèmes de santé mentale, notamment la schizophrénie. Le cannabis, qui altère le développement normal du cerveau des jeunes, serait aussi un déclencheur de maladies psychotiques latentes.

«Il y a un consensus chez les scientifiques et les experts quant à cette association-là», a dit M. Jutras-Aswad.

«L'autre grand champ, je dirais, c'est toute la question de l'effet du cannabis sur les fonctions cognitives, par exemple, l'attention, la mémoire, l'impulsivité, où on sait que le cannabis a cette propriété d'altérer, de diminuer les fonctions cognitives, d'avoir un impact négatif sur plusieurs fonctions du cerveau.»

Mercredi, à la veille du dépôt très attendu d'un projet de loi fédéral qui légaliserait la marijuana, l'Association des psychiatres du Canada (APC) a recommandé de fixer à 21 ans l'âge légal minimal pour la consommation de cannabis, plutôt que 18 ans, comme c'est le cas pour l'alcool.

Elle a aussi demandé que des restrictions soient établies sur les quantités et la teneur en THC permises jusqu'à l'âge de 25 ans.

Le THC, ou tétrahydrocannabinol, est l'ingrédient qui provoque les effets recherchés par les consommateurs de cannabis.

La marijuana plus forte qu'avant

Le docteur Jutras-Aswad a affirmé que la marijuana est de 300 à 400 % plus forte qu'elle l'était il y a 30 ans.

Une personne sur dix qui consomme du cannabis va développer une dépendance à la substance ou un trouble lié à son usage, a-t-il dit, en ajoutant que les jeunes Canadiens sont parmi ceux qui consomment le plus de «pot» au monde.

De plus, ces personnes ont plus de risques de consommer d'autres drogues illicites, comme la cocaïne, l'héroïne ou les amphétamines, a-t-il indiqué.

Sans vouloir «démoniser» la marijuana, M. Jutras-Aswad a ajouté que son usage menait à l'initiation et au maintien du tabagisme.

Le Québec devra travailler pour prévenir l'usage problématique du cannabis, a dit celui qui en a vu de toutes sortes à l'Unité de psychiatrie des toxicomanies du CHUM.

«Il faut connaître les risques réels, mais en même temps, je pense qu'il ne faut pas les exagérer», a-t-il dit. «Si on dit à tous les jeunes que le cannabis cause la schizophrénie, les jeunes vont nous répondre: »Ben, dans la cour d'école, j'ai plein d'amis qui prennent du cannabis pis c'est pas vrai que tout le monde a développé une schizophrénie.«»

«Il faut arriver à donner des informations qui sont justes, qui sont assez nuancées, mais en même temps qui sont compréhensibles et assez vulgarisées, et ça je pense que ça va être le grand grand défi des gens qui sont responsables de la santé publique, notamment au Québec.»

D'après lui, le gouvernement Couillard devra se pencher uniquement sur les enjeux de santé publique, et non penser «à faire de l'argent».

Il recommande que le réseau de distribution de cannabis soit placé sous l'égide de l'État, mais non intégré aux succursales de la SAQ, car «on pourrait s'inquiéter de la consommation combinée des deux substances».