Dans une démarche inusitée, le gouvernement fédéral demande aux provinces si Ottawa empiéterait un peu trop dans leur champ de compétence avec son projet de loi qui vise à interdire notamment aux sociétés d'assurance d'exiger de leurs clients les résultats de tests génétiques.

La ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a écrit au Conseil de la fédération pour demander l'avis des provinces et territoires sur le projet de loi S-201, qui interdirait toute discrimination fondée sur des caractéristiques génétiques, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Le projet de loi interdirait donc d'obliger une personne à subir un test génétique, ou à en communiquer les résultats, avant de lui fournir des biens et services, de conclure ou maintenir un contrat, ou de lui offrir des modalités particulières dans un contrat. Le texte prévoit cependant des exceptions pour les fournisseurs d'assurance dans le cas de contrats «à valeur élevée, lorsque les lois provinciales autorisent expressément» les entreprises à exiger la communication des résultats des tests réalisés.

L'industrie des assurances s'oppose vigoureusement à ce projet de loi, qui prévoit des amendes pouvant atteindre 1 million ou une peine de cinq ans de prison. Les partisans de la mesure estiment que les consommateurs se priveront des bienfaits des tests génétiques pour leur santé s'ils craignent de devoir partager avec leur assureur des résultats défavorables.

La démarche inusitée de la ministre de la Justice auprès du Conseil de la fédération survient après que son gouvernement a accepté, le mois dernier, d'apporter des modifications au projet de loi afin de ne pas empiéter dans les champs de compétence des provinces et territoires.

L'opposition néo-démocrate et conservatrice, plutôt favorable au projet de loi, a été prise de court par ce geste, alors que la plupart des témoins entendus en commission parlementaire avaient soutenu que l'initiative était parfaitement constitutionnelle. Le député libéral Rob Oliphant, qui pilotait aux Communes le projet de loi du Sénat, a lui aussi été surpris par les amendements de son gouvernement, qui allaient selon lui émasculer toute l'initiative.

Dans sa lettre au Conseil de la fédération, la ministre Wilson-Raybould explique que le Québec, le Manitoba et la Colombie-Britannique lui ont manifesté leur désaccord, et que d'autres provinces ont soulevé des doutes. La Procureure générale souhaite maintenant que les premiers ministres des provinces et territoires donnent leur avis d'ici à ce que les députés reprennent l'examen du projet de loi, la semaine prochaine. Le projet pourrait être soumis à un vote final en Chambre dès le mercredi 8 mars.

Le projet de loi avait été déposé en 2013 par le sénateur libéral James Cowan, qui a pris sa retraite en janvier.