La colère gronde chez les gestionnaires du réseau de la santé: après avoir été ballotés par la réforme du ministre Gaétan Barrette, ils protestent contre le salaire et les conditions qui leur ont été accordés.

Leur nombre a diminué et leurs tâches ont augmenté, cependant le ministère de la Santé et des Services sociaux en a reclassé un grand nombre à des échelons salariaux inférieurs.

L'Association des gestionnaires des établissements de santé et des services sociaux (AGESSS) a confirmé qu'au moins 500 demandes de révision de classe salariale avaient été déposées par ses membres au MSSS, en date de la semaine dernière.

Dans une entrevue avec La Presse canadienne, la présidente-directrice générale intérimaire de l'AGESSS, Chantal Marchand, a indiqué que «personne n'est très content».

Elle effectue actuellement une tournée du Québec et à ce jour, après avoir visité six régions en deux semaines, l'écho est «négatif» et on constate nombre d'«aberrations».

Depuis la réforme du réseau mise en place par le projet de loi 10 de M. Barrette en février 2015, pas moins de 4500 cadres ont changé de poste.

Un grand nombre a attendu pas moins de 18 mois avant d'obtenir, en octobre dernier, un nouveau reclassement qui ne satisfait pas leurs attentes, loin de là. Amertume, rancoeur, fatigue et résignation résument l'état d'esprit de la majorité, a expliqué Mme Marchand.

L'insatisfaction est attribuable notamment à la charge de travail, qui a beaucoup augmenté, du tiers, de la moitié, voire du double dans certains cas, en raison de la réduction massive du nombre de cadres.

De là découle principalement la colère des gestionnaires: le salaire ne correspond pas à l'augmentation des tâches, et parfois il a même diminué, en raison du reclassement salarial, selon ce qu'a expliqué Mme Marchand.

«Des membres ne comprennent pas pourquoi ils ont été catégorisés dans telle ou telle classe salariale, alors que leur tâche a doublé», a-t-elle illustré.

À titre d'exemple, un gestionnaire qui était au maximum de la classe 16, à 91 782 $ par an, a été rétrogradé 18 mois plus tard dans la classe 14, à 81 908 $.

Le mécontentement est également lié aux distances à couvrir, puisque les Centres intégrés de santé et services sociaux (CISSS), qui remplacent les agences de santé, s'étendent souvent sur d'immenses territoires.

De même, les cadres déplorent leur manque de latitude, en raison de la microgestion du ministère et du ministre qui leur laissent peu de marge de manoeuvre, selon la PDG de l'AGESSS.

Auparavant, les gestionnaires insatisfaits de leur classe salariale pouvaient contester en s'adressant à leur établissement, mais depuis la réforme, ils doivent adresser leur demande de révision au ministère, qui se trouve à être juge et partie, ce que dénonce l'AGESSS.

«À quoi bon alors déposer une demande de révision, me demandent les membres», a résumé Mme Marchand, qui les incite à ne pas se résigner et plutôt à déposer de telles requêtes au ministère.

«Je leur dis de ne pas baisser les bras», a-t-elle poursuivi.

L'AGESSS plaide que les critères du classement salarial sont dépassés, que ce soit les définitions de tâches, en raison entre autres de la taille des équipes à gérer désormais dans les CISSS.

«Nos membres doivent demander le dossier (qui a été soumis), les données qui ont été envoyées, la description, car parfois les membres étaient consultés pour la description du poste, parfois non», a précisé Mme Marchand.

Par ailleurs, l'association attend toujours de la part du ministère un portrait global de la situation, avec les effectifs dans chaque échelon.

Pendant ce temps, la rémunération du personnel syndiqué continue de progresser et dépasse même celle de ses supérieurs hiérarchiques, grâce notamment à l'équité salariale ou encore aux primes de soins critiques. Ainsi, des gestionnaires gagnent entre 3000 $ et 10 000 $ de moins que leurs subalternes, a constaté l'AGESSS.

Mentionnons que les cadres en santé ont obtenu le même règlement salarial que toute la fonction publique, soit 5,25 % d'augmentation de 2016 à 2019.

Rappelons que le plan de Gaétan Barrette était de se débarrasser de plus de 1200 cadres du réseau par une réforme des structures, le projet de loi 10. Ainsi, 6000 postes de directeurs généraux, de cadres supérieurs et de cadres intermédiaires des secteurs cliniques ont été abolis et 4500 de ces gestionnaires ont été relocalisés dans des postes refondus, jumelant souvent un poste et demi ou deux postes.