Le Québec doit investir davantage pour la prévention du suicide sur le web et pour y repérer les signaux de détresse, a soutenu l'homme d'affaires Alexandre Taillefer, dont le fils s'est enlevé la vie.

M. Taillefer est le porte-parole de la semaine nationale de prévention du suicide, qui adopte cette année le slogan «le suicide n'est pas une option».

Dans une conférence de presse tenue à Montréal mercredi, il a notamment fait valoir que le gouvernement devait développer l'intervention en ligne.

Selon lui, les personnes suicidaires lancent souvent des messages avant de passer à l'acte, et parfois ces appels à l'aide sont envoyés dans des environnements virtuels et sur les réseaux sociaux.

«Mon fils l'a fait sur un site pour «gamers» qu'il fréquentait beaucoup. Je suis convaincu qu'il est possible de sauver des vies avec un mécanisme de veille systématique plus efficace et une meilleure sensibilisation citoyenne nous préparant à interagir rapidement quand on remarque un message de détresse sur le web», a-t-il dit.

Il s'agit d'intervenir là où se trouvent les personnes vulnérables. Elles sont de plus en plus nombreuses à parler de leurs idées suicidaires sur le web, avance l'Association québécoise de la prévention du suicide.

Bien que le Québec soit cité en exemple pour ses projets de prévention du suicide, il accuse du retard en matière de prévention et d'intervention sur le web, soutient l'Association. Elle cite les Pays-Bas qui ont développé un programme d'intervention à composantes multiples, dont une ligne accessible par clavardage ainsi qu'un forum de discussion et diverses possibilités comme des échanges par messages textes.

Trois personnes s'enlèvent la vie chaque jour au Québec, selon les données de l'Institut national de santé publique.

En 2014, 1125 Québécois se sont suicidés et 75 % d'entre eux étaient des hommes.

Selon l'Enquête québécoise sur la santé de la population réalisée en 2014-2015, il a été estimé qu'environ 28 000 Québécois ont fait une tentative de suicide pendant une période de 12 mois - soit 76 tentatives par jour.

«C'est un enjeu de société majeur», a martelé M. Taillefer.

La présidente de l'Ordre des psychologues, Christine Grou, aussi présente au point de presse, a déploré les délais d'attente dans le réseau public avant que les personnes en détresse puissent obtenir de l'aide.

En étant placées sur des listes d'attente, les personnes souffrantes sont à risque de voir leur condition s'aggraver, dit-elle. Il n'y pas d'accès direct: il y a des listes d'attente, parfois plus d'une, explique-t-elle.

Elle cite en exemple le cas récent d'une adolescente qui a abouti à l'urgence d'un hôpital pour une tentative de suicide. Elle a été soignée le jour même, mais pour le suivi psychologique, il y a des délais.

«Pour une jeune fille de 13 ans qui a avalé un pot de pilules, attendre plusieurs semaines pour voir quelqu'un, c'est très long», dit Mme Grou.

«Il coûte plus cher à l'État de ne pas prioriser le problème et d'en subir les conséquences plutôt que d'offrir un accès adéquat à des services psychologiques», soutient-elle.

Le privé n'est pas une option pour tous, souligne M. Taillefer: «C'est quelque chose d'inabordable pour la grande majorité des familles québécoises».

Alexandre Taillefer parle aussi de la nécessité du soutien aux proches de ceux qui se sont enlevé la vie.

«C'est un impact qui peut avoir des effets à long terme. Il y a des gens qui ne se remettent jamais de cela, qui vont avoir un sentiment de culpabilité qui va les habiter toute leur vie. Ils ont besoin d'assistance pour leur permettre de comprendre qu'ils ne sont pas coupables, pas responsables des choix de quelqu'un», dit-il.

La semaine nationale de prévention du suicide se déroule du 29 janvier au 4 février.