Les remboursements de cannabis médical aux anciens combattants canadiens continuent à croître de façon exponentielle. Le ministère des Anciens Combattants a déboursé en 2016 près de 48 millions pour fournir en marijuana ses vétérans, un montant qui a plus que doublé en un an.

Ce sont maintenant 3700 anciens combattants qui se sont collectivement fait rembourser 4 millions de grammes de marijuana thérapeutique auprès de producteurs autorisés, révèlent des données obtenues par La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information. Ils étaient 1762 à recevoir de tels remboursements en 2015, pour un coût total de 20 millions pour l'État fédéral.

Les montants réclamés en cannabis pour les huit premiers mois de l'année 2016-2017 dépassent de 16 millions les prédictions de coûts faites par le ministère des Anciens Combattants. 

Un rapport publié en novembre par le Ministère indique que plus du tiers des bénéficiaires du programme (37 %) reçoivent entre 8 et 10 grammes par jour de cannabis, généralement pour traiter des symptômes de stress post-traumatique et des douleurs chroniques liées à des blessures. Une autre étude publiée par le producteur autorisé de cannabis médical MedReleaf indique que 75 % des anciens combattants qui bénéficient de ces remboursements consomment 10 grammes et plus par jour.

Préoccupé par cette importante quantité consommée quotidiennement, le ministre des Anciens Combattants, Kent Hehr, a annoncé en novembre que le remboursement serait limité à trois grammes par jour à partir du 21 mai prochain, sauf pour les bénéficiaires qui obtiennent un avis contraire d'un spécialiste. « Impossible pour l'instant de savoir quel sera l'impact de cette politique sur les coûts de remboursement », reconnaît la porte-parole du ministre, Sarah McMaster.

« Vous allez voir que les coûts vont continuer d'exploser », prédit cependant Sylvain Chartrand, président du Groupe de défense des intérêts des anciens combattants canadiens. Cet ancien soldat de Bosnie consomme lui-même huit grammes de marijuana par jour pour traiter un syndrome de stress post-traumatique, ce qui représente une facture totale de près de 2000 $ par mois.

« Personne ne le fait pour le fun. L'autre option, c'est de suivre un traitement avec des opiacés et des drogues mortelles comme le fentanyl. »

Effets mitigés

Une bonne partie des soldats qui obtiennent une prescription de marijuana médicale sont orientés par Marijuana for Trauma, entreprise à but lucratif du Nouveau-Brunswick qui a ouvert une quinzaine de succursales au pays, dont une à Saint-Jean-sur-Richelieu l'été dernier. François Hallé, son agent de liaison avec les médecins, soutient que les ordonnances de marijuana aux soldats font baisser les coûts de remboursements d'autres médicaments. « La plupart des clients qu'on a, on le voit, ne prennent aucun opiacé une fois qu'ils ont entrepris un traitement impliquant le cannabis », dit-il.

Dans son rapport de novembre, le ministère des Anciens Combattants n'a cependant trouvé aucune preuve d'une telle diminution. Ses examinateurs ont constaté une légère diminution des ordonnances d'antidépresseurs et d'opioïdes chez les anciens combattants utilisateurs de marijuana, mais celle-ci était contrecarrée par une augmentation équivalente d'ordonnances d'antipsychotiques et d'autres médicaments.

Selon une étude médicale subventionnée par le producteur de cannabis thérapeutique MedReleaf, mais revue par des pairs, l'utilisation de la marijuana pour traiter le syndrome de stress post-traumatique réduit de 50 % les symptômes ressentis par les personnes qui en souffrent et diminue de 77 % les pensées suicidaires. L'étude a également recensé une diminution significative de la consommation d'alcool et des autres drogues chez ces soldats.

- Avec William Leclerc