L'abolition des frais accessoires, qui entrera en vigueur le 26 janvier au Québec, entraînera une série d'effets pervers, préviennent des intervenants du réseau de la santé qui reprochent au ministre de la Santé, Gaétan Barrette, de ne pas les avoir suffisamment consultés avant d'imposer son règlement.

Les pharmaciens allèguent en effet qu'en vertu de cette mesure, il ne sera plus possible de se faire vacciner à la pharmacie du coin ou d'y effectuer un prélèvement sanguin. Quant aux 35 dentistes pédiatriques de la province, qui traitent notamment les enfants gravement handicapés ou autistes, ainsi que plusieurs dentistes soignant des enfants, ils s'inquiètent entre autres de ne plus pouvoir offrir de sédation à leurs patients. « Sans sédation, comment pourrons-nous traiter ces patients très vulnérables ? Ils devront aller à l'hôpital, sur des listes d'attente », dénonce la Dre Véronique Benhamou.

L'ABOLITION DES FRAIS

Mercredi, le ministre Barrette a annoncé l'adoption du règlement interdisant les frais accessoires. Dès le 26 janvier, aucuns frais, à l'exception de certains frais de transport, ne pourront être facturés aux patients pour les services couverts par le régime public.

Pour les enfants de moins de 10 ans, les services de dentisterie sont couverts par le régime public. Donc, dès le 26 janvier, les dentistes ne pourront plus facturer aux patients des frais accessoires pour la sédation, par exemple.

La Dre Benhamou explique que, pour plusieurs enfants, les dentistes doivent utiliser une sédation pour pouvoir les traiter convenablement. « On donne un sédatif par voie intraveineuse ou par gaz pour calmer le patient et le traiter », explique-t-elle. Sans cette option, les dentistes devront référer leurs cas dans les hôpitaux afin que les patients subissent une anesthésie générale.

« Ils seront sur des listes d'attente. Déjà, l'attente est d'environ dix mois dans les hôpitaux. Ça va être encore pire. La situation est inacceptable pour les enfants. » - La Dre Véronique Benhamou

La Dre Benhamou juge d'autant plus déplorable la situation qu'elle dit avoir informé le cabinet du ministre de la Santé de l'importance de faire une exception depuis des mois. « Le problème est identifié depuis longtemps. Mais on ne nous a pas écoutés. C'est très triste », dit-elle.

LES PHARMACIENS AUSSI VISÉS

Les pharmaciens déplorent, quant à eux, qu'il sera désormais impossible d'offrir certains services, dont des vaccins pour les enfants et les personnes couvertes par le programme de vaccination du gouvernement. Jusqu'à maintenant, plusieurs pharmacies offraient ces services par le biais d'une infirmière. « Plusieurs personnes se faisaient vacciner en pharmacie, car c'était plus facile d'accès. On devra maintenant les référer dans le réseau public. Avec l'attente, les déplacements de plus », déplore le directeur général de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP), Jean Bourcier.

Les pharmaciens ne pourront plus facturer non plus les patients pour des prélèvements sanguins ou les tests réalisés en lien avec des services pharmaceutiques.

« Tout le monde est perdant. » - Jean Bourcier, directeur général de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires

Ce dernier affirme avoir averti Québec depuis le début des discussions autour de l'abolition des frais accessoires des effets pervers potentiels de la mesure. « Mais comme toujours, le ministre ne nous a pas écoutés », dit-il.

Au moment de mettre sous presse, le cabinet du ministre n'avait pas formulé de commentaire sur cette question.