L'institut Pinel est-il un hôpital ou une prison ? Au moment où la question surgit dans l'actualité, un chercheur affilié à l'établissement presse la direction de trancher.

UNE « TERRIBLE » AMBIGUÏTÉ

Chercheur affilié à l'Institut Philippe-Pinel, l'infirmier Dave Holmes estime qu'il est « terrible » qu'une ambiguïté plane toujours sur le statut de l'établissement. Dans une lettre obtenue par La Presse, M. Holmes presse la direction de l'Institut Philippe-Pinel de « préciser son statut de "prison" ou d'"hôpital" ». Pour M. Holmes, l'Institut est uniquement un hôpital et prétendre le contraire peut avoir de sérieuses conséquences « pour la qualité des soins aux patients et l'avenir de la recherche dans cet établissement ». Avocat spécialisé dans la défense des droits des patients, Me Jean-Pierre Ménard soutient lui aussi que l'Institut Philippe-Pinel est un hôpital, point à la ligne. « En faire une prison est inquiétant, car on risque de brimer les droits fondamentaux de certains patients », explique-t-il.

UN RAPPORT CRUCIAL

Dans un article publié le 23 décembre, La Presse présentait les conclusions d'un rapport d'enquête du Collège des médecins et de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec sur la qualité des soins à l'Institut Philippe-Pinel. Le rapport mentionnait notamment que l'établissement a partiellement perdu de vue sa vocation hospitalière en adoptant une approche carcérale. Dans son rapport annuel 2015-2016, l'Institut Philippe-Pinel se décrit pourtant comme un « hôpital universitaire » offrant « des services de troisième ligne en psychiatrie légale ». L'établissement accueille une clientèle aux prises avec des problèmes de violence, pour la plupart (80 %) des détenus et des prévenus.

DOUBLE STATUT ?

Au lendemain de la publication de l'article de La Presse, le directeur des services professionnels de l'Institut Philippe-Pinel, le Dr Gilles Chamberland, a expliqué sur les ondes du 98,5 FM que Pinel était un hôpital, mais qu'il avait été conçu pour soigner des détenus. Il ajoute que « la Cour d'appel a bien statué que Pinel est un centre de détention qui doit avoir toute la sécurité nécessaire pour recevoir les détenus parce qu'à la base, c'est des détenus qu'on est supposés recevoir ».

DES CONSÉQUENCES POUR LES PATIENTS

Ces déclarations ont ébranlé M. Holmes. Également professeur de sciences de la santé à l'Université d'Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche universitaire en soins infirmiers médico-légaux, M. Holmes explique que les exigences en matière de respect des droits des patients ne sont pas les mêmes selon qu'on se trouve dans une prison ou dans un hôpital. Le recours aux mesures de contention et d'enfermement est notamment plus encadré dans un milieu hospitalier, explique M. Holmes, d'où l'importance selon lui de clarifier le statut de Pinel.

UNE QUESTION DE DROIT

En 2003, des patients avaient déposé un recours collectif contre l'Institut Philippe-Pinel, alléguant que l'établissement violait leurs droits fondamentaux. Traités à Pinel entre 1999 et 2002, ces patients n'étaient pas des détenus ni des prévenus. Tout en niant les faits, Pinel avait conclu une entente en 2009 et versé 1 million de dollars à ces patients. Aujourd'hui retraité, l'avocat Marc Plamondon, qui a piloté le recours, affirme que sur le plan juridique, Pinel est un hôpital. « Oui, les gens de Pinel traitent des détenus et des prévenus. Mais le statut des patients ne change pas le statut de l'établissement, dit-il. Le débat sur le statut de Pinel doit être réglé une fois pour toutes. Parce que se prendre pour une prison peut venir légitimer des pratiques, notamment d'enfermement, auprès de tous les patients. Même s'ils ne sont pas détenus. » M. Holmes ajoute que plusieurs recherches ont prouvé qu'il était normal dans un hôpital spécialisé comme Pinel que des « tensions » existent entre la sécurité et les soins aux patients. « C'est un défi. Mais il y a moyen de travailler à assurer la sécurité des patients tout en restant un hôpital », dit-il.