Le taux d'occupation des urgences de l'hôpital du Suroît, à Valleyfield, a atteint 227 %, hier. Depuis une semaine, certains établissements de santé de la province sont aux prises avec un achalandage intense à leurs urgences, et ce, même si le taux de patients orphelins ne cesse de diminuer.

Selon le président de l'Association des médecins d'urgence du Québec (AMUQ), le Dr Bernard Mathieu, voici la preuve que Québec se trompe en plaidant qu'offrir un médecin de famille à une majorité de Québécois permettra d'éliminer l'attente aux urgences. « À date, le nombre de visites aux urgences augmente même si le taux de prise en charge par les médecins de famille est meilleur », note le Dr Mathieu.

Débordement dans les urgences

La porte-parole du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Ouest, Jade St-Jean, explique que les hôpitaux de la région enregistrent une hausse de l'achalandage « normale » attribuable au « début de l'hiver ».

Dans Lanaudière, le taux d'occupation du Centre hospitalier régional de Lanaudière atteignait 209 %, hier. À la Cité-de-la-Santé de Laval, le taux d'occupation était de 143 %. Comme dans plusieurs autres régions, la grippe, qui commence à peine, n'est pas en cause, affirme Paula Beaudoin, porte-parole du CISSS de Laval. On montre plutôt du doigt le grand nombre de consultations. La Cité-de-la-Santé enregistre entre 250 et 290 inscriptions de patients par jour.

Quelles solutions ?

Lors de la présentation du projet de loi 20, en 2014, qui visait notamment à augmenter la prise en charge de patients par les médecins de famille, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, avait souligné que l'un des objectifs était « que le patient voie d'abord et majoritairement son médecin de famille plutôt que d'aller attendre des heures et des heures dans une salle d'urgence ».

Dans Lanaudière, la proportion de la population prise en charge par des médecins de famille est passée de 63 à 74 %. À Laval, le nombre de patients sans médecin de famille est passé de 20 090 à 14 945.

Cette hausse n'a toutefois pas d'impact sur la fréquentation des urgences, soutient le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Louis Godin.

« Un patient de 80 ans qui a une surinfection bronchique n'ira pas voir son médecin de famille. Il va aller aux urgences. Le fait d'avoir un médecin de famille ne change rien. »

Le Dr Godin reproche au ministre Barrette « d'adopter des projets de loi plutôt que de s'asseoir avec les intervenants terrain et de trouver de vraies solutions ».

Plusieurs actions

Au cabinet du ministre Barrette, on affirme avoir adopté plusieurs solutions pour améliorer la situation aux urgences, dont le renforcement de la première ligne par le projet de loi 20 et la création de supercliniques. On souligne d'ailleurs que le taux d'occupation à la grandeur du Québec n'était que de 84 % hier après-midi et qu'il a été le plus faible en 10 ans l'an dernier.

« Nous avons aussi procédé à une annonce importante la semaine dernière, soit un investissement de 100 millions pour créer 2100 places pour les personnes qui sont en attente de services en hébergement, en réadaptation et en convalescence, de même qu'en santé mentale », a dit l'attachée de presse du ministre, Julie White.

Mais pour le Dr Godin, il n'est pas évident que les nouveaux lits promis par le ministre sont un réel ajout de ressources ou plutôt la réouverture de lits fermés dans les derniers mois.

Le Dr Godin croit aussi que l'ajout de 50 supercliniques n'aura que peu d'impact sur la fréquentation des urgences. « Ce sera bon pour les patients consultant pour des conditions mineures. C'est tout », dit-il. Un avis partagé par le Dr Mathieu. « En mettant l'accent sur les supercliniques et le "patient à la bonne place", le Ministère fait une mauvaise lecture de la situation », dit-il.

Taux d'occupation les plus élevés dans les urgences, hier

• Hôpital du Suroît : 227 %

• Centre hospitalier Anna-Laberge : 209 %

• Hôpital Barrie Memorial : 200 %

• Centre hospitalier régional de Lanaudière : 179 %

• Hôpital de Papineau : 167 %

• Hôpital général du Lakeshore : 161 %

• Hôpital Laurentien : 161 %

• Hôpital Jean-Talon : 157 %

• Hôpital Pierre-Le Gardeur : 153 %

• Hôpital général juif : 151 %