Incapables de trouver un poste d'urgentologue dans le réseau de la santé québécois, de jeunes médecins s'exilent vers les autres provinces. L'an dernier seulement, la majorité des neuf diplômés du programme de médecine d'urgence de l'Université McGill ont quitté la province, selon des informations recueillies par La Presse.

Une situation qui n'ébranle aucunement le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, qui refuse de changer ses règles pour plaire à ces médecins. « La question en jeu ici, c'est le conflit entre les besoins de la population et les choix et préférences des médecins. Moi, je choisis les patients », dit-il.

Depuis deux ans, le gouvernement bloque le recrutement de médecins dans les salles d'urgence de la province. Seules quelques exemptions peuvent être accordées afin de s'assurer qu'aucune interruption de service ne survienne. L'objectif de Québec est de forcer les médecins de famille à prendre en charge des patients dans des cabinets ou dans des supercliniques en limitant leur temps de pratique aux urgences.

« On avait averti que bloquer le recrutement aurait des effets pervers. On ne nous a pas écoutés. »

- Le Dr Bernard Mathieu, président de l'Association des médecins d'urgence du Québec

Dans son numéro de lundi, le quotidien The Gazette a rapporté que de plus en plus souvent, un seul médecin peut être de garde dans les salles d'urgence de la province là où, auparavant, ils étaient deux, ce qui augmente les risques pour les patients. Le Dr Mathieu confirme ces faits. « Les problèmes de couverture aux urgences apparaissent. On n'a même plus le droit de remplacer les congés de maladie ou de maternité. Donc, dès qu'un médecin s'en va, la tâche des autres est augmentée de beaucoup. On épuise les équipes en place », affirme le Dr Mathieu.

Le ministre Barrette assure qu'il n'y a pas de problème de couverture aux urgences actuellement. « On n'a pas coupé les heures de pratique aux urgences, affirme-t-il. [...] Certains médecins de famille veulent faire une carrière en ne faisant que de l'urgence. Ce n'est plus possible. Ils ne sont pas contents. Mais la réalité, c'est que la population a besoin de prise en charge, et on établit des contraintes raisonnables pour que le service soit rendu. »

250 PATIENTS MINIMUM

Les jeunes médecins de famille qui terminent l'année de spécialité nécessaire pour travailler en urgence doivent maintenant s'engager à prendre en charge un minimum de 250 patients. Ils ne peuvent plus exercer la médecine uniquement aux urgences.

Conséquence : plusieurs veulent quitter le Québec, affirme le président de la Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ), le Dr Christopher Lemieux, qui ne possède toutefois pas de chiffre précis à ce sujet.

« Ces médecins sentent qu'ils ne sont pas utilisés à leur juste valeur. »

- Le Dr Christopher Lemieux, président de la Fédération des médecins résidents du Québec

En mai dernier, Le Devoir a rapporté qu'aucun des neuf diplômés de médecine d'urgence de l'Université McGill n'avait obtenu de poste à temps plein dans un hôpital québécois.

Le ministère de la Santé ne dispose pas de données permettant de déterminer combien de jeunes médecins ont quitté le Québec. Les quatre facultés de médecine de la province ne disposent pas non plus de ces données. Impossible donc de confirmer le nombre exact de départs.

PAS DE « DÉCOUVERTURE »

Le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Louis Godin, a quant à lui eu vent de « six ou sept » départs à l'extérieur du Québec. Une situation qu'il juge « malheureuse ».

Le Dr Godin indique toutefois qu'il n'y a pas de « découverture » actuellement dans les urgences et que le nombre de médecins qui y travaillent est stable.

Selon la porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, Diane Lamarre, ces départs de jeunes médecins sont la preuve que la transition du ministre Barrette pour offrir plus de soins de première ligne se fait trop brusquement. « Ça prend une transition plus équilibrée, sinon, on risque d'affaiblir les urgences », dit-elle.