Alors que les accidents de travail et les agressions violentes ont atteint un nouveau sommet à l'Institut Philippe-Pinel, les employés de l'établissement qui accueille les criminels psychiatrisés les plus dangereux de la province sonnent l'alarme : de nouvelles compressions budgétaires mettent leur sécurité et celle des patients encore plus en danger.

Le nombre d'accidents de travail enregistrés cette année entre les murs de l'Institut, aux prises avec un déficit budgétaire, a déjà dépassé le nombre total pour l'année 2015. On en comptait 287 au 31 octobre, dont 130 concernent des agressions, des menaces et des interventions physiques ayant mal tourné. À titre comparatif, on faisait état de 260 accidents de travail en 2015 et de 187 en 2014, révèle un journal syndical que La Presse a obtenu.

Il y a deux semaines, un intervenant s'est par exemple fait casser le nez par un patient.

« La situation risque de s'aggraver encore plus si la direction de l'établissement maintient ses compressions, qui mettent à risque le personnel, les patients et la population », lit-on dans un communiqué de presse qui sera diffusé aujourd'hui et dans lequel le syndicat exprime plusieurs inquiétudes. Une manifestation est prévue ce midi.

Récemment, les employés ont appris que la guérite d'entrée sera notamment fermée, ce qui « pourrait avoir des conséquences pour la population car ce poste représentait le dernier rempart pour la surveillance des allées et venues », selon le communiqué.

Le journal syndical que nous avons obtenu fait état de plusieurs incidents survenus sur le terrain de Pinel, d'où il arrive aussi que des patients fuguent. On y raconte notamment que des chasseurs armés se sont déjà introduits sur le terrain de l'établissement de santé à la poursuite d'une proie. Des hommes en détresse ou très intoxiqués ont été interceptés. Il y a eu plusieurs alertes à la bombe.

« UNE VRAIE PASSOIRE »

« L'extérieur de Pinel est maintenant une vraie passoire. Ce n'est pas clôturé à l'avant, les clôtures sont déficientes sur les côtés, l'image des caméras le soir et la nuit laisse à désirer et il y a un manque flagrant d'éclairage sur certains secteurs. Il ne faut surtout pas oublier que nous sommes les voisins immédiats du centre de détention de Rivière-des-Prairies ».

Autre contrecoup des compressions : une équipe d'intervention d'urgence, dont le travail est notamment de contrôler les patients les plus dangereux lorsqu'ils doivent se déplacer ou qu'ils sont en crise, est aussi réduite les week-ends, selon le syndicat. Selon cette même source, les équipes d'urgence ont effectué plus de 52 000 interventions cette année. C'est 13 000 de plus que l'an dernier.

Joint hier par La Presse, le président du syndicat, Sylvain Lemieux, a manifesté son inquiétude. Généralement, dit-il, trois équipes sont en poste en même temps. Elles seront désormais deux.

« Il peut arriver que trois urgences surviennent en même temps. Ou qu'une intervention nécessite deux équipes en même temps, ce qui ne laisse personne pour intervenir s'il arrive autre chose. » - Sylvain Lemieux, président du syndicat des employés de l'Institut

Plusieurs incidents à caractère violent ont ébranlé l'établissement dans les dernières années.

En 2011, un violeur récidiviste a pris plusieurs employés en otage, armé d'un couteau artisanal. Il avait ligoté ses victimes et tenté d'agresser sexuellement une infirmière.

L'été dernier, un employé a subi sept fractures au visage après avoir porté secours à un médecin qui était pris à partie par un patient.

Depuis deux ans, des employés ont, à plus d'une reprise, carrément refusé de travailler parce qu'ils avaient peur d'être attaqués, révèlent des rapports de la Comission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) obtenus il y a quelques mois par la Loi sur l'accès à l'information.

Il n'a pas été possible de joindre la direction de l'établissement, hier.

Photo David Boily, Archives La Presse

Avec 287 incident rapportés en date du 31 octobre entre les murs de l'Institut Philippe-Pinel, le nombre d'accidents de travail enregistrés cette année a déjà dépassé le nombre total (260) pour l'année 2015.