À peine 51 % des patients victimes d'un infarctus sont traités dans les délais recommandés au Québec, révèle une étude de l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS). Si la situation s'améliore depuis 10 ans, « des changements dans l'organisation des services de soins doivent être apportés pour améliorer la performance québécoise », peut-on lire dans le document consulté par La Presse.

L'étude

Dans son Portrait de la prise en charge de l'infarctus aigu du myocarde au Québec en 2013-2014 rendu public lundi, l'INESSS a analysé le cheminement de quelque 2200 patients ayant subi un infarctus aigu au Québec en 2013-2014. Qu'est-ce qu'un infarctus aigu du myocarde ? Il s'agit d'une affection aiguë grave dont la cause immédiate est l'occlusion d'une artère coronaire par un caillot. On l'appelle communément « crise cardiaque ».

L'importance de la rapidité de l'intervention

Dans son rapport, l'INESSS note que plus l'intervention est rapide, meilleur sera le pronostic. « Plus vite tu es traité, plus tu augmentes tes chances de survie », résume le DPhilippe Lallier, cardiologue à l'Institut de cardiologie de Montréal. Les délais de traitement prescrits dans le cas d'un infarctus aigu du myocarde varient entre 30 et 120 minutes, en fonction des situations et du traitement choisi pour chaque patient. Le symptôme classique de l'infarctus aigu du myocarde est un malaise constrictif et oppressif au niveau du sternum qui irradie à la mâchoire et au bras gauche. 

Une lente amélioration

Il s'agit de la troisième étude menée sur ce sujet par l'INESSS. Une première avait été réalisée en 2006-2007 et une deuxième en 2008-2009. Selon le DLallier, la nouvelle analyse permet de voir que « malgré les efforts et les améliorations, une partie de la population n'a toujours pas accès au traitement dans les délais prescrits » au Québec. Le président-directeur général de l'INESSS, le DLuc Boileau, ajoute que depuis 10 ans, le temps entre le triage et le traitement d'un patient atteint d'un infarctus est passé de 75 à 51 minutes en centre spécialisé. « Et si la tendance s'est maintenue, on doit être encore mieux aujourd'hui », dit-il, en notant que les données de l'étude remontent à 2013-2014. Malgré une amélioration globale, l'INESSS conclut son rapport en indiquant que des changements sont nécessaires « afin d'augmenter la qualité de la prise en charge des patients » qui subissent un infarctus.

Des disparités régionales

L'analyse de l'INESSS permet également de constater que d'importantes disparités régionales existent. Ainsi, les patients du Saguenay-Lac-Saint-Jean ou de la Montérégie ont bien plus de chances d'être traités dans les délais prescrits que les citoyens de l'Abitibi-Témiscamingue ou de la Gaspésie. De l'ambulancier à l'urgentologue en passant par les spécialistes, le DBoileau note que plusieurs intervenants sont impliqués dans le traitement de patients victimes d'un infarctus. « La chaîne de services doit être la plus efficace possible », dit-il. Les analyses de l'INESSS doivent d'ailleurs permettre au réseau de s'améliorer. « Nous avons fait la même chose dans le passé avec la traumatologie, et nous sommes maintenant parmi les meilleurs au monde », affirme-t-il.

Place à l'amélioration en régions éloignées

Deux traitements existent pour soigner les patients victimes d'un infarctus. L'intervention coronarienne percutanée primaire (ICPP) consiste à ouvrir l'artère occluse avec un ballon et à la garder ouverte avec des endoprothèses (stents). Cette opération ne peut toutefois être réalisée que dans un centre hospitalier spécialisé. Il en existe 14 dans la province. Or, les patients des régions éloignées ne peuvent souvent être envoyés assez rapidement dans ces centres spécialisés. Dans ces cas, les médecins se tournent plutôt vers la fibrinolyse, qui consiste à administrer un médicament par voie intraveineuse pour dissoudre le caillot. Étonnamment, certaines régions éloignées où presque tous les patients atteints d'un infarctus doivent subir la fibrinolyse présentent des délais de traitement très longs. C'est le cas de la Gaspésie (42 minutes), de l'Abitibi-Témiscamingue (38 minutes) et de la Côte-Nord (34 minutes). Dans le Bas-Saint-Laurent, le délai moyen de fibrinolyse est d'à peine 20 minutes. Pour l'INESSS, il est donc possible pour « les trois autres régions moins performantes de pouvoir s'améliorer considérablement ».

Les centre spécialisés du Grand Montréal 

C'est à Montréal et à Laval que l'on compte la plus forte concentration de centres spécialisés dans le traitement de l'infarctus (7). Curieusement, c'est dans ces deux régions que les patients qui se sont présentés directement dans un hôpital spécialisé ont attendu le plus longtemps avant d'être traités. Ce qui fait dire à l'INESSS qu'une « densité importante de centres spécialisés ne garantit pas une meilleure performance en termes de délais de traitement ». « La situation de Montréal demande une analyse plus poussée des établissements. Il faut toutefois noter que Montréal traite plus de patients qui viennent de l'extérieur et que pour eux, l'analyse peut être plus complexe et les délais, plus longs », explique la Dre Michèle de Guise, directrice des services de santé à l'INESSS.

Des délais plus longs le soir

Alors que 59 % des patients ayant subi un infarctus se présentent à l'hôpital en dehors des heures normales de travail (soit entre 18 h et 8 h en semaine ou la fin de semaine), c'est durant ces heures que les délais de traitement sont les plus longs. À Montréal, seulement 28 % des patients qui se présentent en dehors des heures normales de travail sont traités dans les délais recommandés, contre 79 % dans Lanaudière. « Le système doit s'améliorer en dehors des heures régulières », affirme le DBoileau. À l'Institut de cardiologie, des équipes spécialisées sont par exemple présentes sept jours sur sept et 24 heures sur 24. « Ça permet de pallier cette situation. Mais cette solution n'est peut-être pas applicable partout », dit le Dr Lallier.

Des patients carrément non traités

Près de 25 % des patients victimes d'un infarctus ne reçoivent aucun traitement au Québec, constate l'INESSS. Ces patients « présentent un taux de mortalité et de morbidité plus élevé ». La Dre de Guise explique toutefois que cette donnée n'est pas alarmante, et s'explique en grande partie par le fait que certains patients ne sont tout simplement pas admissibles aux traitements, comme certains patients souffrant d'insuffisance rénale ou en fin de vie.

Des cibles atteignables

Selon l'INESSS, une démarche est en cours avec le ministère de la Santé et le Réseau québécois de cardiologie tertiaire « pour prioriser l'atteinte de normes de qualité » relatives au traitement de ces patients. L'objectif est que 75 % des Québécois subissant un infarctus aigu du myocarde soient traités dans les délais. Déjà, certains établissements, comme l'Institut de cardiologie (près de 80 %), atteignent ces cibles. « On a le potentiel pour atteindre ces cibles. Il y a encore des gains à aller chercher et on y travaille », assure le Dr Boileau.