La moitié des fruits et légumes testés dans le cadre d'un programme de surveillance mené au Québec contient des traces de pesticides. À l'exception de melons et raisins importés, tous les échantillons respectent les normes. La liste des pesticides détectés donne néanmoins le tournis. Faut-il s'en inquiéter ?

DES PESTICIDES DANS LA MAJORITÉ DES ÉCHANTILLONS

Sur les 849 fruits et légumes testés par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) en 2013-2014, 438 contenaient des résidus de pesticides. Ces analyses ont été faites dans le cadre du Plan de surveillance des contaminants chimiques du ministère. Il s'agit des dernières données disponibles. Les analyses, dont La Presse a obtenu les détails, concluent toutefois que ces résidus sont sous le maximum permis. Les fruits et légumes testés sont achetés de façon aléatoire dans les commerces un peu partout au Québec, explique Yohan Dallaire-Boily, porte-parole du MAPAQ.

FRUITS, LÉGUMES ET RÉSIDUS

Proportion des échantillons testés qui contenaient des pesticides

• Oranges 97 % 

• Raisins 87 % 

• Bananes 85 % 

• Pommes 68 % 

• Pommes de terre 67 % 

• Carottes 51 % 

• Tomates rouges de serre 46 % 

• Laitue romaine 42 % 

• Melons 20 % 

• Chou vert 6 % 

• Oignons jaunes 0 %

FAUT-IL S'INQUIÉTER? 

Les normes sont établies en considérant une consommation « normale et même généreuse », explique le chimiste Sébastien Sauvé, professeur à l'Université de Montréal. Toutefois, elles sont établies individuellement, sans tenir compte qu'un même aliment contient parfois des résidus de plusieurs pesticides différents. « La science est très claire là-dessus : il y a des effets d'interaction et de synergie [entre les pesticides] », explique le scientifique. « Le fait que ça rencontre les normes ne me rassure donc pas », conclut-il.

PRODUITS QUÉBÉCOIS 

Environ la moitié des échantillons étaient des produits québécois. Bonne nouvelle pour les agriculteurs d'ici, les fruits et légumes locaux contiennent moins de traces de pesticides : 32 % des fruits et légumes québécois testés avaient des résidus, alors que la proportion est de 71 % pour les produits importés.

UNE MULTITUDE DE PESTICIDES

Les analystes ont trouvé des résidus de 17 pesticides différents sur les 51 pommes québécoises testées. À noter : 22 pommes locales n'avaient aucune trace de pesticides. Six pesticides différents ont été détectés dans les 58 pommes de terre québécoises testées et 24 n'en contenaient pas du tout. « Il n'y a pas que les humains qui aiment les pommes de terre, les insectes aussi ! », lance Denis Pelletier, agronome au syndicat Les Producteurs de pommes de terre du Québec. M. Pelletier était heureux d'apprendre qu'aucune patate québécoise passée par le laboratoire du MAPAQ ne dépassait le maximum permis. « Santé Canada émet des normes, rappelle-t-il. Lorsqu'elles sont respectées, il n'y a aucun risque pour la santé humaine. »

LAVER LES FRUITS ET LÉGUMES 

L'agronome Denis Pelletier conseille néanmoins de bien nettoyer ses pommes de terre avant de les cuire. Les deux opérations devraient éliminer une partie des résidus de pesticides, lorsqu'il y en a. Le chimiste Sébastien Sauvé précise toutefois que certains pesticides sont coriaces, et que ni la cuisson ni le nettoyage n'auront raison de ceux-là. « Certains pesticides sont intégrés dans les fruits et légumes », précise-t-il. Dans ce cas, le nettoyage pourra en éliminer environ 10 %, précise le scientifique, et la cuisson ne changera rien à cela.

DÉPASSER LA LIMITE 

Les détails des tests effectués par le laboratoire du MAPAQ ne sont pas dévoilés. On ne sait pas ni où ont été achetés les fruits et légumes ni de quel pays ils provenaient. Lorsqu'un échantillon dépasse la norme permise, le MAPAQ contacte le détaillant, explique Yohan Dallaire-Boily, porte-parole du Ministère. S'il s'agit d'un produit local, les agents du Ministère peuvent même contacter directement le producteur, dit-il. Cette fois, quelques melons et des raisins contenaient des résidus de pesticides qui allaient au-delà des normes. On sait qu'il s'agit de fruits importés, sans connaître leur provenance.

SE TOURNER VERS LE BIO

Les produits importés sont souvent ceux qui dépassent les limites de résidus de pesticides dans ce genre de tests, rappelle la microbiologiste Valérie Charest, directrice de projets chez Innovaltech. Les résultats obtenus par le laboratoire du MAPAQ ne la surprennent ni ne l'effraient particulièrement, mais Valérie Charest conseille aux consommateurs qui s'inquiètent de la présence de pesticides dans les végétaux de se tourner vers la culture bio.

- Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse