Le Collège des médecins estime que le projet de loi 98 qui veut revoir la gouvernance des ordres professionnels au Québec n'est que «cosmétique», et «n'offre pas de mesures concrètes pour mieux protéger le public».

Dans un mémoire présenté cet après-midi à la Commission des institutions à Québec, le Collège des médecins réclame notamment d'avoir accès aux banques de données de la Régie de l'assurance-maladie du Québec (RAMQ) pour pouvoir mieux enquêter sur ses membres. « On veut savoir qui prescrit quoi. Si je n'ai pas accès à ces données, mon pouvoir d'enquête est limité», dit le président du Collège des médecins, le Dr Charles Bernard.

Ce dernier fait le lien avec la crise de consommation d'opioïdes qui touche présentement le Canada. «Les prescriptions d'opioïdes sont en hausse, dit-il. Mais on ne sait pas quels médecins en prescrivent au Québec et combien ils en prescrivent. Tant qu'on n'a pas accès à ces données, c'est impossible pour nous de savoir si un médecin prescrit des opioïdes de façon abusive. On est un organisme de régulation et de contrôle, mais on ne peut pas mener cette mission jusqu'au bout».

Le Dr Bernard mentionne que le Collège réclame depuis près de quatre ans d'obtenir plus de pouvoirs d'enquête pour mieux surveiller les médecins. «On nous disait tout le temps qu'on attendait la réforme de Code des professions. Et bien nous y sommes», dit-il.

Meilleure gouvernance

Le Projet de loi 98 veut revoir la gouvernance des ordres professionnels et les règles d'admission aux différentes professions. On propose entre autres de diminuer le nombre de membres des conseils d'administration des ordres professionnels. Dans le cas du Collège des médecins, ce nombre passerait de 28 à 11. Le projet de loi 98 souhaite également étendre les pouvoirs du commissaire à l'admission à la profession.

«On n'est pas contre la plupart des mesures proposées. Mais de changer le nombre d'administrateurs, ce n'est pas ce qui va mieux protéger le public», critique le Dr Bernard.

Le Collège des médecins souhaite plutôt avoir accès aux banques de données de la RAMQ et du ministère de la Santé, notamment pour savoir combien de chirurgies de toutes sortes sont réalisées à chaque année dans chaque établissement de santé. «On pourrait par exemple obtenir le taux de césariennes à chaque endroit pour mieux surveiller la pratique. Parce que des standards de pratique existent dans plusieurs domaines», note le Dr Bernard.

Un registre des charlatans

Le Collège des médecins souhaiterait aussi être plus sévère avec les charlatans en créant un registre avec photos des personnes reconnues coupables d'exercice illégal de la médecine.

«On est la première ligne de protection du public. D'autres provinces ont donné accès aux banques de données aux ordres professionnels. On veut le même pouvoir, conclut le Dr Bernard. On est parfois accusé de ne pas faire notre travail. Mais les règles nous empêchent actuellement de le faire».

Les infirmières veulent plus d'intégration

Si elle appuie plusieurs des modifications proposées par le projet de loi 98, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) estime toutefois que le véritable enjeu est celui de l'intégration des professionnels au marché du travail. L'OIIQ accepte annuellement autour de 800 diplômés hors Québec. Mais la moitié d'entre eux sont incapables de se trouver une place dans un cégep pour réaliser leur programme d'intégration professionnelle et d'autres ne peuvent de dénicher un stage en hôpital. «Cette situation est inacceptable et doit changer », dénonce la présidente de l'OIIQ, Lucie Tremblay. Cette dernière reconnaît que «la solution ne se trouve ni dans le Code des professions ni dans l'ajout de pouvoirs à un commissaire à l'admission » et donc que le gouvernement doit agir pour «assurer une meilleure intégration professionnelle en toute équité pour l'ensemble des candidats » à la profession.