Alors que le taux de vaccination du Québec est le plus faible au pays, des pharmaciens veulent contribuer à améliorer la situation en obtenant le droit de vacciner les patients. Ils devront toutefois s'armer de patience : interrogé sur ses intentions par La Presse, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, affirme que d'autres dossiers prioritaires doivent d'abord être traités avant que ce droit puisse être accordé aux pharmaciens.

LOBBYING ENREGISTRÉ

Un groupe de pharmaciens, regroupés sous la Fédération des pharmaciens du Québec, s'est enregistré la semaine dernière au Registre des lobbyistes avec le mandat suivant : « Faire des représentations afin qu'une orientation soit prise afin de permettre aux pharmaciens d'effectuer la vaccination des patients dans le but de diminuer le délai d'accès des patients. »

Nombre de pharmaciens propriétaires au Québec: 2048

LES QUÉBÉCOIS LES MOINS VACCINÉS

Bertrand Bolduc, président de l'Ordre des pharmaciens du Québec, rappelle que le Québec est la seule province canadienne où les pharmaciens n'ont pas le droit de vacciner des patients. « Et, coïncidence, c'est aussi ici que le taux de vaccination est le plus bas », dit-il. Une étude publiée au début du mois d'août dans le Journal de l'Association médicale canadienne montre en effet que c'est au Québec que le taux de vaccination contre la grippe a été le plus faible entre 2007 et 2014.

Taux de vaccination contre la grippe

• Nouvelle-Écosse : 42,1 %

• Nouveau-Brunswick : 32,7 %

• Ontario : 31,6 %

• Île-du-Prince-Édouard : 29,7 %

• Colombie-Britannique : 29,6 %

• Saskatchewan : 28,3 %

• Alberta : 28,1 %

• Manitoba : 27,3 %

• Terre-Neuve-et-Labrador : 24,3 %

• Québec : 22,5 %

Source : Journal de l'Association médicale canadienne, août 2016

PLUSIEURS AVANTAGES

Dans une analyse publiée également en août, la Fédération internationale pharmaceutique a comparé plusieurs pays où les pharmaciens peuvent ou non administrer des vaccins. La Fédération conclut son analyse en disant qu'accorder un rôle accru aux pharmaciens dans le processus d'immunisation et de vaccination a « plusieurs avantages », notamment « augmenter l'accessibilité aux vaccins, les taux de vaccination, la couverture de la population de même que la confiance et l'appui du public envers les vaccins ».

OFFRIR UN MEILLEUR ACCÈS

M. Bolduc assure que les pharmaciens « ne veulent pas devenir les premiers vaccinateurs » au Québec. « Les pharmaciens veulent simplement jouer un rôle. Déjà, certaines pharmacies offrent la vaccination par une infirmière. Ce service continuera d'être offert », dit-il. M. Bolduc explique qu'à certains endroits, comme en région éloignée, « il serait intéressant que le pharmacien puisse vacciner ». « On déplore souvent que trop peu de prévention soit faite en santé. Eh bien, la vaccination, c'est de la prévention », plaide M. Bolduc.

UN PROBLÈME À LA FOIS, AVERTIT BARRETTE

Le ministre Barrette indique que les pharmaciens réclament le droit d'administrer des vaccins depuis un certain temps. « Mais avant d'aller là, on a d'autres choses à régler », prévient-il. Le ministre fait ainsi référence au conflit qui oppose Québec à l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP). Les deux parties sont en intenses négociations depuis le début du mois de juin dans l'épineux dossier des allocations professionnelles. La date limite des pourparlers est le 16 septembre. Les deux parties ayant conclu une « trêve publique » le temps des négociations, l'AQPP n'a pas voulu commenter le dossier, hier, si ce n'est pour dire que la vaccination, comme le dossier du rôle accru du pharmacien et de son mode de rémunération, « font partie des dossiers pour lesquels l'AQPP mène une active réflexion ».

CONFLIT QUI PERDURE

Un conflit oppose actuellement Québec et l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP). Essentiellement, ces derniers reprochent au gouvernement de ne pas avoir respecté l'entente signée en juin 2015 et dans laquelle les pharmaciens consentaient à des ponctions de 400 millions sur trois ans alors que le gouvernement s'engageait pour la même période à lever le plafond de leurs allocations professionnelles, aussi appelées ristournes. Les ponctions ont débuté à l'automne 2015, sans que Québec ne lève le plafond des ristournes. En avril, le gouvernement a annoncé que ce plafond serait plutôt fixé à 25 % pour six mois à partir du 28 avril, à 30 % pour les trois mois suivants, puis levé pour deux ans et trois mois. Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, justifiait sa décision en disant que « l'environnement avait changé ». Estimant que le ministre ne respectait pas l'entente, l'AQPP a acheminé à la fin du mois de mai un « avis de différend » au Conseil d'arbitrage, qui devait trancher la question. Les deux parties ont conclu une trêve en juin, le temps de négocier.