Le gouvernement Trudeau estime être parvenu à atteindre un « juste équilibre » entre l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de maladies incurables et la protection des plus vulnérables en adoptant son projet de loi C-14, en juin.

Il n'est donc pas question de rouvrir ce délicat dossier, malgré l'appel pressant d'une femme de 70 ans du Québec, atteinte de sclérose en plaques, qui a décidé de se laisser mourir de faim et de soif pour mettre fin à sa souffrance. Cette dernière, Hélène L., n'avait pas accès à l'aide médicale à mourir parce que son cas ne répondait pas aux critères de la loi fédérale étant donné que sa mort n'était pas « raisonnablement prévisible ».

« Nous reconnaissons les circonstances et les décisions difficiles auxquelles plusieurs Canadiens font face tous les jours, particulièrement au moment de considérer des options de soins de fin de vie », a-t-on indiqué au bureau de la ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, dans un courriel envoyé à La Presse.

« [Mais] en développant le cadre législatif fédéral, notre gouvernement a pris en compte un large éventail d'opinions et de circonstances, et a dû s'assurer d'atteindre le juste équilibre dans l'accès à l'aide médicale à mourir, tout en assurant la protection des plus vulnérables », à-t-on ajouté.



Photo Adrian Wyld, archives La Presse Canadienne

Jane Philpott, ministre fédérale de la Santé

UNE LOI CONTRAIGNANTE, DIT LE NPD  

Réagissant au cas d'Hélène L., le Nouveau Parti démocratique a soutenu hier que cette situation « inquiétante » était prévisible compte tenu du caractère contraignant de la Loi fédérale sur l'aide médicale à mourir dans le cas des personnes qui souffrent d'une maladie incurable mais dont la mort n'est pas imminente.

Selon la députée de Saint-Hyacinthe-Bagot, Brigitte Sansoucy, le gouvernement fédéral devra, tôt ou tard, se pencher à nouveau sur ce dossier, d'autant plus que la loi adoptée par le gouvernement Trudeau fait déjà l'objet d'une contestation devant les tribunaux.

« Le gouvernement continue de se vanter d'avoir réussi à faire adopter ce projet de loi qu'il savait pertinemment inconstitutionnel alors que des gens en souffrent. Ce qui se passe aujourd'hui au Québec, c'est exactement la situation que nous souhaitions éviter à tout prix et la raison pour laquelle nous avions proposé autant d'amendements. Malheureusement, les libéraux les ont tous rejetés », a affirmé Mme Sansoucy, qui est porte-parole adjointe de son parti en matière de santé.

L'arrêt Carter invoqué

Mme Sansoucy a rappelé que plusieurs experts constitutionnels ont prévenu le gouvernement Trudeau que le projet de loi C-14 ne répondait pas aux normes établies par la Cour suprême dans l'arrêt Carter.

Une résidante de la Colombie-Britannique, Julia Lamb, a entrepris une contestation de la loi devant la Cour suprême de la province une semaine seulement après son entrée en vigueur. L'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique appuie sa démarche devant les tribunaux.

Pour le député conservateur Gérard Deltell, le cas d'Hélène L. démontre bien qu'il est difficile d'adopter « une loi parfaite » lorsqu'il s'agit de questions d'ordre moral. « C'est sûr qu'il n'y avait pas de loi parfaite qui était prévisible. Il y aura toujours des cas d'exception très douloureux, peu importe les règles, encore plus dans une situation comme celle-là. Ce qu'on savait, c'est que peu importe la loi, ultimement, la loi allait être contestée. Et c'est le cas actuellement. Il faut donc que le processus suive son cours », a-t-il indiqué hier.

UN « GUIDE DE PRATIQUE » AU QUÉBEC

À la suite du cas d'Hélène L., le Collège des médecins du Québec a décidé de créer un « guide de pratique » afin d'aider les médecins qui traitent des patients qui décident de cesser de manger ou de boire pour accélérer leur mort parce qu'ils ne peuvent avoir accès à l'aide médicale à mourir.

Pour sa part, le ministre québécois de la Santé, Gaétan Barrette, s'est dit inquiet de voir que des patients atteints de maladies incurables se laissent ainsi mourir parce que la loi fédérale est trop contraignante. « Il va y en avoir d'autres. Et oui, c'est cruel et inhumain », a affirmé M. Barrette, qui prédit que les tribunaux vont déclarer la loi actuelle inconstitutionnelle.