Le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) est « une fois de plus » dans une « période de grande vulnérabilité à bien des égards » est-il écrit dans un nouveau rapport émanant de deux accompagnateurs spéciaux nommés par Québec pour suivre la situation financière et administrative du superhôpital universitaire anglophone de Montréal. Faits saillants.

UN HÔPITAL SUIVI DE PRÈS

Dans la foulée du rapport Baron publié en décembre 2012 et qui prévoyait un déficit historique de 115 millions au CUSM, un premier accompagnateur spécial avait été nommé par Québec. Depuis, l'établissement est suivi de près. En avril 2015, l'accompagnateur spécial Michel Bureau déposait un rapport final contenant plusieurs recommandations pour « redresser la situation financière et les pratiques administratives » du CUSM. Dans la foulée, deux accompagnateurs, Normand Couture et Jacques Ricard, ont été nommés pour aider le CUSM à mettre ces recommandations en place. Leur rapport vient d'être rendu public par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

SITUATION TOUJOURS PRÉCAIRE

Pour 2015-2016, le CUSM enregistre un déficit de 40 millions, notent les accompagnateurs dans leur rapport. Le président-directeur général du CUSM, Normand Rinfret, explique que ce déficit est principalement lié aux retombées du déménagement. Au printemps 2015, le CUSM a emménagé dans ses nouveaux locaux, construits au coût de 1,3 milliard dans la cour Glen. À cela s'ajoutent les compressions de 12 millions demandées par Québec pour cette année-là. M. Rinfret le reconnaît : son établissement est encore « très vulnérable ». Selon lui, le déménagement crée encore des remous. « Les études disent que ce genre de déménagement crée des turbulences pendant cinq à sept ans », dit M. Rinfret. Le ministre de la Santé Gaétan Barrette estime pour sa part que le déménagement « ne justifie pas tout ». Dans leur rapport, les accompagnateurs notent que le CUSM devait réduire le nombre de lits de 853 à 832 après son déménagement, comme prévu dans le plan clinique approuvé par le gouvernement en 2007, ce qui n'a pas été fait. « Ce déménagement était une belle opportunité pour le CUSM d'ajuster son nombre de lits qui malheureusement ne fut pas saisie », écrivent les accompagnateurs.

ALLÉGER L'HÔPITAL

Pour pouvoir diminuer son nombre de lits, le CUSM devait pouvoir recommander plus de patients vers le « 450 ». « Des médecins devaient aller vers le 450. Mais certains ne l'ont pas fait », affirme le ministre Barrette. Les hôpitaux de Montréal et des banlieues devaient aussi aider le CUSM en acceptant des patients en fin de soins actifs. Tous les jours, entre 75 et 100 patients occupent des lits au CUSM en attendant une place ailleurs dans le réseau, particulièrement en réadaptation et en hébergement. M. Rinfret estime que même si beaucoup d'efforts ont été mis pour corriger cette situation, « le défi est encore grand ». Le ministre Barrette affirme que son ministère fera tout en son pouvoir pour améliorer les choses. « Nous avons notre part de responsabilité là-dedans et nous l'assumons », affirme-t-il.

PAS DE TUTELLE POUR L'INSTANT

Même si le CUSM présente des problèmes financiers récurrents, le ministre Barrette n'a pas l'intention d'imposer une tutelle à l'établissement. « Pour imposer une tutelle, ça prend une manifestation claire d'un manque de volonté à apporter les correctifs nécessaires », dit le ministre, qui estime que ce n'est pas le cas du CUSM. Ce dernier reconnaît avoir été « irrité » par le nouveau déficit du CUSM, mais estime que « le plus important » est que le conseil d'administration actuel se soit engagé à revenir à l'équilibre budgétaire.

CRISE DE MÉFIANCE ?

Dans leur rapport, les accompagnateurs font le point sur une série d'acquisitions immobilières douteuses réalisées par le CUSM du temps du règne du défunt et controversé directeur général Arthur Porter et qui plombent encore les finances de l'établissement. On note entre autres que le bail des locaux administratifs du CUSM, hébergés au 2155, rue Guy, devait être renouvelé cette année, mais que le CUSM a tardé à régler le dossier. « Le retard de près d'une année à réaliser la démarche d'appel d'offres » a contribué « à un certain climat de méfiance de la part des accompagnateurs et du MSSS », est-il écrit. Dans leur rapport, les accompagnateurs rappellent que « la transparence est de rigueur pour améliorer un climat de méfiance ». M. Rinfret explique qu'un premier appel d'offres pour ces locaux a dû être annulé et que plutôt que de conclure l'entente de « gré à gré », le CUSM a préféré refaire un appel d'offres. « Ça a pris plus de temps », résume le PDG, qui estime que le climat de méfiance est « la lecture de l'accompagnateur » et qu'il est difficile pour lui de la commenter.

CLIMAT MOROSE

Les accompagnateurs estiment aussi que le « climat est morose » au CUSM. Ayant longtemps été directeur de ressources humaines, M. Rinfret se dit interpellé par ce constat, et il qui compte réaliser dès l'automne une évaluation du climat organisationnel du CUSM. M. Rinfret quittera toutefois ses fonctions le 2 septembre, tel qu'annoncé au début du mois de juin.

ENCORE DES EFFORTS

Pour 2016-2017, le CUSM a adopté un plan de redressement qui devrait lui permettre d'atteindre l'équilibre budgétaire. Mais les accompagnateurs notent que la situation est encore « très précaire » et qu'il reste « beaucoup de travail à faire » pour livrer un budget équilibré. M. Rinfret note que des analyses sont actuellement en cours pour cibler d'autres économies potentielles. Le ministre Barrette est quant à lui clair : le CUSM « doit » atteindre l'équilibre pour 2016-2017. « C'est une question d'équité pour les autres hôpitaux de la province », dit-il.

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La clinique de procréation du CUSM déménage près du CHUM

Le rapport des accompagnateurs révèle que la clinique de procréation assistée du CUSM, qui était toujours hébergée dans l'ancien hôpital Royal-Victoria, déménagera finalement dans les locaux de l'ancienne clinique de procréation assistée du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM). Les locaux sont situés près du nouveau CHUM, à la Place Dupuis, soit bien loin du campus Glen. « C'est sûr qu'on aurait préféré que ce soit plus près du Glen. Mais c'est un choix logique pour le système de santé : on avait payé pour cette clinique. Elle servira », explique M. Rinfret.