Santé Canada étudie actuellement la possibilité de modifier ses restrictions concernant les dons de sang provenant d'hommes homosexuels. Une décision à ce sujet est attendue d'une journée à l'autre, confirme le porte-parole d'Héma-Québec, Laurent-Paul Ménard.

Le 31 mars dernier, Héma-Québec et la Société canadienne du sang ont envoyé un avis conjoint à Santé Canada lui demandant de faire passer de cinq ans à un an la période d'abstinence exigée des hommes gais voulant donner du sang.

« Habituellement, pour ce genre de demande, nous obtenons une réponse dans les 90 jours », explique M. Ménard. Santé Canada confirme qu'une décision sera rendue « au courant de l'été » à ce sujet. L'organisme précise que pour être autorisé par Santé Canada, un changement ne doit en aucun cas « compromettre la sécurité de l'approvisionnement en produits sanguins au pays ».

UN DEUXIÈME ASSOUPLISSEMENT

Jusqu'en 2013, les hommes ayant eu une relation sexuelle avec un autre homme depuis 1977 ne pouvaient donner du sang au Canada. En juillet 2013, Santé Canada a modifié cette exigence. Depuis, il est possible de donner du sang « si la dernière relation sexuelle avec un autre homme a eu lieu il y a plus de cinq ans », peut-on lire sur le site d'Héma-Québec.

Depuis ce changement, le taux d'incidence du VIH est demeuré le même chez les personnes transfusées, soit 1 cas pour 30 millions, explique M. Ménard, qui ajoute que ce taux signifie qu'une personne contracte le VIH par transfusion sanguine tous les 60 ans au pays.

Selon les études d'Héma-Québec, le fait de réduire la période d'abstinence chez les donateurs homosexuels à un an n'augmentera pas cette incidence.

Le nombre de donateurs ne devrait toutefois pas augmenter de façon spectaculaire. L'assouplissement des critères en 2013 a permis à Héma-Québec de recruter 43 nouveaux donneurs de sang. Et faire passer le critère à un an d'abstinence aura un impact « encore plus faible », estime M. Ménard.

LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION

Dans la foulée des attentats à Orlando, l'actrice Mia Farrow a écrit un tweet dans lequel elle pressait les personnes hétérosexuelles de donner du sang, puisque « Orlando n'accepte pas le sang des gais ».

Aux États-Unis, une période d'abstinence d'un an est imposée aux hommes homosexuels voulant donner du sang.

Héma-Québec explique que les systèmes de dons de sang sont basés « sur le principe de précaution ». Encore aujourd'hui, « la fréquence d'infection au VIH est beaucoup plus élevée chez les homosexuels que dans la population en général », explique Héma-Québec sur son site internet.

Tous les dons de sang sont testés. Mais malgré la précision de ces tests, « le risque de ne pas détecter un don de sang infecté, si minime soit-il, n'est pas nul ».

Chez une personne nouvellement infectée par le VIH ou l'hépatite B ou C, notamment, « il y a une période pendant laquelle les tests ne permettent pas de détecter la maladie », explique M. Ménard. Cette « période fenêtre » amène donc Santé Canada à imposer des restrictions.

M. Ménard explique que ce critère touche également d'autres clientèles. Par exemple, les personnes ayant voyagé dans des pays où circule la malaria ne peuvent donner du sang durant l'année suivant leur retour.

Pays où la période d'abstinence demandée aux hommes homosexuels voulant donner du sang est d'un an : 

• Australie

• États-Unis

• Royaume-Uni

• La France modifiera ses critères en juillet



UNE SITUATION DISCRIMINATOIRE


Éric Pineault, président de Fierté Montréal, estime que les restrictions imposées aux hommes gais pour les dons de sang sont une règle de « deux poids, deux mesures ». « Certaines personnes hétérosexuelles ont des pratiques beaucoup plus à risque que certains homosexuels. Mais ces personnes peuvent donner du sang. Plusieurs homosexuels ont des relations stables depuis des années. Et ils ne peuvent donner du sang. Il y a inégalité dans le traitement », dit-il.

Directeur du Portail VIH/Sida du Québec, Pierre-Henri Minot explique pour sa part qu'il y a « des raisons de santé publique » derrière les restrictions de dons de sang aux homosexuels. « Nous ne sommes pas tous égaux par rapport à l'épidémie de VIH. Et nos tests ne sont pas fiables à 100 %. C'est pourquoi des restrictions sont de mise, dit M. Minot. [...] J'aimerais que dans 10 ans, on puisse tous donner notre sang. Mais actuellement, on n'en est pas là. »

RÉSERVE DE SANG EN CAS D'ATTENTAT : HÉMA-QUÉBEC EST PRÊT

Si le Québec était la cible d'un attentat de l'ampleur de celui s'étant produit la fin de semaine dernière à Orlando, Héma-Québec disposerait de suffisamment de produits sanguins pour répondre à la demande, explique le porte-parole de l'organisme, Laurent-Paul Ménard. Il précise qu'étant donné la péremption rapide de certains composants sanguins, les réserves de sang ne peuvent être stockées indéfiniment.

Durée de vie des produits sanguins

• PLAQUETTES : 7 JOURS

• GLOBULES ROUGES : 42 JOURS

• PLASMA : UN AN

« Nous avons une réserve d'urgence autour de six jours. Avec ça, nous pouvons faire face à des événements impliquant un nombre important de blessés. Comme nous l'avons fait lors des tragédies de Dawson et de Polytechnique », note M. Ménard.