La situation dans les urgences de la province s'améliore doucement, révèle le palmarès des urgences 2015-2016 de La Presse.

Seulement trois hôpitaux de la province obtiennent cette année la cote D-, l'une des pires du palmarès, soit quatre établissements de moins que l'an passé. Afin que les progrès se poursuivent, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, compte obliger les hôpitaux de la province à copier la recette de l'Hôpital général juif à Montréal, l'un des établissements où l'attente aux urgences est la plus faible au Québec.

Le mois dernier, La Presse a présenté l'histoire de l'Hôpital général juif qui, avec une durée moyenne de séjour aux urgences de 12 h 36 min, est parmi les plus performants de la province. 

« Si l'Hôpital général juif est capable de mettre en place des mesures, mais qu'il est victime de son succès, les autres devront adopter la même méthode. Un changement de culture doit se faire à la grandeur de l'hôpital. Je vous fais une prédiction ici : on va encore me critiquer parce que je bouscule », a dit le ministre Gaétan Barrette en entrevue à La Presse mercredi.

La durée moyenne de séjour dans les urgences du Québec a diminué de près d'une heure cette année et atteint 15,7 heures. Une performance inégalée depuis 10 ans. La durée moyenne de séjour représente le nombre d'heures qu'un patient passe sur une civière aux urgences avant d'être monté aux étages ou d'obtenir son congé.

Selon Paul Brunet, président du Conseil pour la protection des malades, « même si les statistiques montrent que la durée moyenne de séjour diminue, les patients ne notent pas l'amélioration. Ils attendent encore trop longtemps ».

Président de l'Association des médecins d'urgence du Québec (AMUQ), le Dr Bernard Mathieu rappelle que cette légère amélioration ne doit pas cacher le fait que les performances des urgences québécoises sont parmi les plus faibles en Occident, comme le rappelait cette semaine le commissaire à la santé et au bien-être.

Dans un rapport publié jeudi, le commissaire Robert Salois a écrit que l'encombrement des salles d'urgence est devenu un problème « socialement inacceptable » qui dure depuis trop longtemps au Québec. Il a rappelé qu'un patient sur dix quitte les urgences sans avoir vu de médecin. « La marche est encore très haute », estime le Dr Mathieu.

Le ministre de la Santé estime que les progrès enregistrés en 2015-2016 sont un « pas significatif dans la bonne direction ». Il reconnaît toutefois qu'il y a « encore du chemin à faire, tant à l'hôpital qu'à l'extérieur », afin d'améliorer les performances aux urgences et d'atteindre la cible ministérielle d'une durée moyenne de séjour de 12 heures.

AMÉLIORATIONS À LE GARDEUR ET EN OUTAOUAIS

Parmi les hôpitaux qui ont enregistré une amélioration de leurs performances aux urgences cette année, le centre hospitalier Pierre-Le Gardeur, qui présentait l'an dernier la pire durée moyenne de séjour du Québec (27 h 24 min), voit cette année cette attente baisser à 22 h 36 min.

En Outaouais, les urgences des cinq hôpitaux de la région voient leur situation s'améliorer. L'hôpital de Maniwaki passe notamment d'une cote de D- à C+, la durée moyenne de séjour ayant diminué de plus de 10 heures pour atteindre 13 h 42 min.

Directeur des services professionnels pour le centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l'Outaouais, le Dr Guy Morrissette croit que la fusion des établissements de santé, rendue possible par le projet de loi 10, est l'un des principaux facteurs ayant permis aux urgences de l'Outaouais de s'améliorer.

« Les décisions sont vraiment moins complexes. Il n'y a qu'un seul processus décisionnel. On a fait des urgences une priorité pour la région. Et maintenant, tout le monde se parle. Il y a moins de temps perdu », note le Dr Morrissette, qui prévoit que les performances aux urgences seront encore meilleures l'an prochain en Outaouais.

ENCORE DES ÉCUEILS

Même si ses performances globales s'améliorent, l'hôpital de Saint-Jérôme présente la durée moyenne de séjour la plus longue du Québec : 26 h 42 min. La proportion de séjours de 48 heures et plus est également la plus élevée de la province et atteint 17 %.

Il faut dire que la population des Laurentides a augmenté d'environ 28 500 personnes en quatre ans, note Myriam Sabourin, responsable des communications au centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) des Laurentides. « Depuis les deux dernières années seulement, le nombre de visites à l'urgence de Saint-Jérôme a augmenté de plus de 3000 », dit-elle. Le nombre de personnes âgées sur le territoire est également en hausse constante. Le CISSS des Laurentides a notamment mis sur pied un comité stratégique pour améliorer la situation aux urgences. « Pour le moment, ces efforts ont permis d'éviter une détérioration de la performance de nos salles d'urgence et nous continuons de travailler à améliorer la situation », dit Mme Sabourin.

CONGESTION AUX ÉTAGES

Les Laurentides sont aussi aux prises avec un problème de manque de places en hébergement sur le territoire, selon Mme Sabourin. Cela « crée un engorgement dans les lits d'hospitalisation, ce qui, par conséquent, entraîne des délais avant l'hospitalisation des patients provenant de l'urgence », explique Mme Sabourin.

Présidente-directrice générale adjointe du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l'Île-de-Montréal, Francine Dupuis croit aussi que les nombreux lits occupés dans les hôpitaux par des personnes en attente d'une place ailleurs dans le réseau complexifient la gestion des urgences. Ces lits, appelés NSA (niveau de soins actifs), sont occupés par des patients en attente d'une place en hébergement, en réadaptation, en convalescence, en santé mentale ou autre.

Selon Mme Dupuis, le problème des lits NSA est particulièrement criant à Montréal. « À l'Hôpital général juif, le nombre de lits NSA ne cesse d'augmenter. Et ça va continuer. Les personnes âgées sont de plus en plus nombreuses. Ça complexifie la gestion des urgences. Car on manque de lits pour monter les patients aux étages », dit-elle.

DES INVESTISSEMENTS À FAIRE, RECONNAÎT LE MINISTRE

Reconnaissant que la question des lits NSA est « entièrement dans [sa] cour », le ministre Gaétan Barrette estime lui aussi que la grande région de Montréal est particulièrement touchée. « C'est une question de ressources, d'achat de ressources et de budget. Il y a des investissements à faire », reconnaît le ministre.

Il soutient aussi que l'ajout de super-cliniques permettra d'améliorer le sort des urgences. Or, comme l'a rapporté La Presse cette semaine, très peu de médecins de famille souhaitent ouvrir une super-clinique, car ils sont d'avis que les exigences de Québec sont trop importantes. Une situation qui « attriste » le ministre. « On doit répondre aux besoins des patients, croit-il. Il faut offrir de l'accès et modifier ce qu'on fait comme médecine. Si on veut que la situation s'améliore, on ne peut pas agir de façon ponctuelle sur un seul problème. »