Les frais accessoires facturés aux patients seront abolis d'ici l'été et les médecins ne toucheront aucune compensation, affirme le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette.

En marge d'une réunion du conseil des ministres mercredi, il s'est exprimé pour la première fois depuis que La Presse a révélé en début de semaine que le gouvernement Couillard entend finalement abolir tous les frais accessoires plutôt que de les encadrer.

Gaétan Barrette s'est défendu de faire volte-face dans ce dossier. Il a expliqué que la loi 20 adoptée l'automne dernier prévoit l'interdiction des frais accessoires à l'exception de ceux autorisés par règlement, règlement qui n'a jamais été déposé. « C'est comme ça que ça a été présenté, et je n'ai pas annoncé qu'il y aurait nécessairement des frais accessoires », a plaidé M. Barrette. Or, il disait clairement que le gouvernement n'a pas les moyens d'interdire ces frais. Et il chiffrait même à 50 millions par an les frais accessoires qui seraient autorisés par règlement.

« On constate après analyse que pour les trois quarts des tarifs chargés aux patients, justifiés selon les règles actuelles ou permis à cause du flou, on parle en moyenne de moins de six, sept, huit dollars. Compte tenu de ça et de l'état de la rémunération des médecins aujourd'hui, compte tenu de ces sommes devant nous qui sont prévues aux ententes, je vois difficilement comment on ne pourrait pas inclure ces frais-là à l'intérieur de la rémunération » des médecins, a-t-il expliqué. Pour les autres cas, il s'agit de frais associés à des actes peu fréquents. « Je ne vais pas créer un nouveau tarif pour que ce type d'actes-là se fasse en cabinet », a-t-il soutenu.

Il veut ainsi que les médecins absorbent les frais accessoires dans l'enveloppe actuelle de rémunération, qui atteint environ sept milliards de dollars cette année.

Or les fédérations médicales demandent d'être compensées pour l'abolition des frais accessoires. C'est non, a répliqué M. Barrette. Les médecins sont payés de façon « adéquate » à l'heure actuelle selon lui.

« La rémunération globale des médecins, tous modes [de rémunération] confondus [...], est, tenant compte de la richesse collective du Québec, à parité avec l'Ontario. Et en Ontario, c'est inclus dans la rémunération ces tarifs-là. Le corollaire, il est clair. Qu'est-ce qui justifierait que ce soit une somme additionnelle quand la somme totale de rémunération dévolue aux médecins, payée par le gouvernement du Québec et la société québécoise, est au bon niveau de rattrapage avec l'Ontario, où les frais accessoires sont inclus ? Si je le donnais par dessus, c'est comme si je leur donnais une augmentation. Je ne peux pas faire ça. »

Il a glissé une petite nuance : le versement d'une compensation, « je ne suis pas du tout dans cette option au moment où on se parle ». Les mots « au moment où on se parle » sont ici importants. Mais il n'a pas montré beaucoup d'ouverture par ailleurs. « Je ne ferai pas la négociation pour le moment sur la place publique. Je pourrais la faire. Mais actuellement, je considère que les sommes qui sont imparties à la rémunération des médecins, qu'ils soient spécialistes ou médecins de famille, sont adéquates. »

« Je pense qu'il serait sage pour les fédérations médicales, compte tenu de la situation économique, la leur et la nôtre, d'inclure (les frais accessoires) dans la rémunération, ce que je pourrais faire au pied levé. Mais évidemment, on va essayer de s'entendre. »

Ces négociations ne traîneront pas, a-t-il ajouté. Il n'attendra pas de conclure de nouvelles ententes globales de rémunération avec les médecins pour mettre fin aux frais accessoires. « Mon intention, elle est claire : les fédérations médicales devront essentiellement tirer une conclusion dans une entente quelconque. Moi, d'ici à cet été, ce dossier-là sera clos dans un sens ou dans l'autre », a-t-il affirmé. « Je ne négocie pas l'entente globale sur la place publique, mais je vous dis que j'ai l'intention d'ici cet été de régler la question des frais accessoires. »

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec a prévenu qu'en l'absence de compensations, les médecins allaient cesser de faire certaines chirurgies mineures en cabinet parce que l'État ne couvre pas suffisamment les coûts de fonctionnement. « C'est bien malheureux parce que le seul item que je connais auquel ça pourrait s'appliquer, c'est la vasectomie. Les autres cas, il y a déjà un tarif qui prévoit l'instrumentation nécessaire pour faire ces procédures. » Il reste aux médecins à débourser pour les anesthésies locales, mais « on parle de quelques dollars », selon M. Barrette.

Le ministre a réitéré qu'il n'a pas l'intention de donner davantage aux médecins que les hausses salariales consenties aux employés de l'État pour les prochaines années (5,25 %). Les médecins détiennent en effet une clause de parité salariale avec le secteur public - mieux connue sous le nom de « clause remorque » - en vertu d'un accord conclu avec le gouvernement en 2014. Ce même accord a servi à étaler jusqu'en 2020 des hausses salariales accordées aux médecins par le gouvernement Charest, à l'époque où M. Barrette était président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. La rémunération totale des médecins aura ainsi bondi de 87,5 % entre 2010 et 2020.