Le Centre de prélèvement d'organes de l'hôpital du Sacré-Coeur, une entité unique au Canada qui a réalisé 39 % de tous les prélèvements d'organes de la province depuis deux ans, pourrait perdre son statut. Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) de même que la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) étudient actuellement la pertinence de la survie de ce centre.

La situation inquiète le coordonnateur du Centre, le Dr Pierre Marsolais, et la Fédération médicale étudiante du Québec (FMEQ), qui lancent un cri d'alerte.

«Le Centre a permis d'avoir plus de donneurs. C'est un succès. Ce serait bien dommage de le perdre», affirme le Dr Marsolais.

Faciliter les dons

Plus de 800 personnes sont actuellement en attente d'une greffe d'organe au Québec. Depuis plusieurs années, le réseau de la santé tente d'augmenter le nombre de dons d'organes, notamment en incitant la population à signer sa carte de donneur.

Mais cette initiative a ses limites, selon le Dr Marsolais. Car pour chaque don d'organe, le consentement de la famille doit aussi être obtenu. «À ce moment, plus la procédure entourant le don d'organe est lourde et longue, plus la famille sera tentée d'annuler sa décision», note le spécialiste.

En juin 2013, Québec a mis sur pied le Centre de prélèvement d'organes (CPO) de l'hôpital du Sacré-Coeur, un projet-pilote visant à optimiser le processus de prélèvement d'organes et à augmenter le nombre de dons. En tout temps, au CPO, une salle d'opération, un lit aux soins intensifs et des équipes sont disponibles pour procéder à des prélèvements d'organes.

Grâce à ce service, tous les hôpitaux desservis par le CPO peuvent, en moins d'une heure, y transférer un candidat pour don d'organes. Et le prélèvement peut y être réalisé rapidement.

Dans les cinq autres centres préleveurs du Québec ne bénéficiant pas des services du CPO, l'attente est plus longue, souligne la FMEQ dans un mémoire obtenu par La Presse. Par exemple, le retard moyen d'entrée en salle d'opération est de plus de quatre heures, «mais peut parfois prendre jusqu'à deux à trois jours», est-il écrit.

À sa première année d'existence, le CPO a fourni 39% de tous les organes prélevés au Québec, alors qu'il ne dessert que 17% de la population de la province, note la FMEQ, qui estime que le CPO devrait être une «fierté pour le Québec».

Un projet à l'étude

Le projet-pilote du CPO, dont le budget annuel de fonctionnement est de 1,4 million, devait prendre fin le 1er avril. Le MSSS et la FMSQ ont accepté de le prolonger jusqu'au 1er juin, en attendant de statuer sur sa survie.

«Les discussions se poursuivent concernant le renouvellement de ce programme, afin de rendre une décision dans les meilleurs délais», a dit Noémie Vanheuverzwijn, porte-parole du MSSS.

La FMSQ, qui verse chaque année 1,06 million à même ses enveloppes en rémunération aux médecins travaillant au CPO, étudie aussi la question. Jeudi dernier, une réunion a eu lieu pour évaluer les résultats du projet-pilote.

«Par la suite, la Fédération poursuivra son analyse pour savoir si nous recommanderons au gouvernement de reconduire ou non le programme», explique la porte-parole de la FMSQ, Nicole Pelletier.

Trop coûteux?

Plus que satisfaits des performances du CPO, le Dr Marsolais et la FMEQ sont malgré tout inquiets. Car dans un rapport du MSSS datant de mars 2015, on estime que les coûts d'une transplantation au CPO sont environ 24 000 $ plus élevés qu'ailleurs. En ces temps de vaches maigres, le Dr Marsolais et la FMEQ craignent de voir le financement du projet cesser.

Le rapport du MSSS soutient également qu'il est impossible de conclure que l'augmentation du nombre de donneurs dans la région de Montréal est liée à la mise en place du projet-pilote. 

Or, pour le Dr Marsolais, le rapport de Québec ne tient pas compte de plusieurs facteurs. Le spécialiste déplore notamment que les économies engendrées par le CPO n'aient pas été considérées.

«Puisque des lits sont réservés pour nous au bloc opératoire et aux soins intensifs, aucune chirurgie ne doit être reportée quand on fait une greffe», dit-il. Dans le rapport du MSSS, il est noté qu'il «fut impossible de documenter cet aspect dans le cadre de cette évaluation».

La FMEQ ajoute que chaque personne qui subit une greffe avec succès engendre moins de coûts pour le réseau de la santé. En 2013, 378 personnes ont bénéficié d'une greffe rénale, «ce qui représente des économies nettes estimées [...] de l'ordre de 13,5 millions de dollars annuellement, par exemple en frais de dialyse», est-il écrit dans le mémoire.

«Au-delà des questions de coûts, c'est de vies qu'on parle. Chaque transplantation, c'est une vie sauvée. Il faut y penser à ça, aussi», note le Dr Marsolais.

***

COÛT MOYEN PAR PRÉLÈVEMENT

Centre de prélèvement de l'hôpital du Sacré-Coeur : de 36 500 à 37 800 $

Autres centres désignés : de 12 000 $ à 14 000 $

Source : Ministère de la Santé et des Services sociaux