L'opposition officielle à Québec prévoit déposer demain un projet de loi qui créerait des périmètres de sécurité inviolables autour des 47 services d'avortement de la province.

De telles zones tampons existent déjà en Colombie-Britannique et dans huit États américains. Les manifestants anti-choix qui les franchissent s'exposent à des peines criminelles.

Pour les patientes, «traverser un groupe de manifestants [...] rend les interventions plus difficiles, plus médicamentées, dans un contexte déjà hautement éprouvant. Cette loi est importante et doit voir le jour rapidement», plaident, dans une lettre d'appui, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, celle des médecins spécialistes et 13 autres organismes.

«Les cliniques ont des problèmes d'accessibilité et de sécurité; les patientes ont des problèmes de confidentialité. On ne peut pas faire autrement que d'y répondre», ajoute la députée d'Hochelaga-Maisonneuve Carole Poirier, qui présentera le projet à titre de porte-parole du Parti québécois en matière de condition féminine.

Ruineux

Pour l'instant, les cliniques assument seules des frais judiciaires ruineux. Trois cliniques de Montréal (Morgentaler, Fémina et L'Alternative) et une clinique de l'Outaouais (Centre de santé des femmes) ont dû se battre à plusieurs reprises pour obtenir des injonctions contre des manifestants, souvent membres du groupe Campagne Québec-Vie. Ceux-ci abordaient les patientes avec des chapelets et des pancartes disant entre autres «Prions pour la fin de l'avortement».

Ils qualifient les cliniques d'«avortoirs», estiment qu'interrompre sa grossesse est un meurtre et disent que leurs «bergers de trottoir» doivent présenter d'autres options aux femmes.

En août, la Cour supérieure a précisé que leur liberté d'expression est limitée par les droits d'autrui. Cette liberté ne peut causer de préjudices «sérieux et irréparables», comme empêcher les femmes de recevoir des soins dans un contexte serein et comme dégrader le milieu de travail du personnel. Depuis ce jugement, les militants sont bannis des abords des cliniques en cause.

Pourtant, rien n'est vraiment réglé. Québec-Vie a porté la décision en appel, tout en présentant d'autres requêtes.

Ses militants peuvent aussi se rabattre sur une nouvelle cible, comme ils l'ont fait dans le passé, puisque chaque clinique doit faire établir sa propre zone inviolable.

Sans compter que, dès qu'une clinique déménage, elle doit reprendre son combat judiciaire à zéro pour faire établir un périmètre dans son nouveau voisinage. Comme a justement dû le faire la clinique Morgentaler en 2015.

Violence

Il y a 20 ans, la Colombie-Britannique a réglé la question avec sa Loi sur l'accès aux services d'avortement - que les tribunaux jugent conforme à la Charte canadienne des droits et libertés.

À l'époque, la clinique torontoise du célèbre Dr Henry Morgentaler avait été pulvérisée par une bombe. Et des balles avaient atteint trois autres médecins canadiens, dont le Vancouvérois Garson Romalis, ensuite poignardé.

Le personnel montréalais a été épargné, mais cela ne l'empêche pas d'avoir peur. En janvier 2015, un gaillard caché sous un capuchon est apparu devant la vitre pare-balles de la clinique Morgentaler - qui reçoit chaque mois des menaces de mort.

En novembre, trois personnes ont été tuées par un tireur anti-choix, dans une clinique de planification familiale du Colorado. Le président Barack Obama a aussitôt déclaré «Plus jamais», rappellent les signataires de la lettre d'appui, qui pressent les élus québécois de dire «unanimement "Plus jamais"», eux aussi.