Depuis 2010, le nombre de médecins des autres provinces canadiennes qui viennent chaque année s'établir au Québec est plus élevé que le nombre de médecins québécois qui partent s'installer dans le reste du Canada, révèlent des données de l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS).

De 2009 à 2014, 311 médecins sont venus s'installer au Québec, alors que 233 ont quitté la province pour s'établir dans le reste du Canada. Le bilan migratoire est plus marqué chez les médecins spécialistes, qui enregistrent 206 arrivées pour 102 départs durant cette période.

Alors que certains y voient la preuve que la rémunération des médecins québécois est des plus avantageuses, d'autres croient plutôt que le phénomène de la migration des médecins est marginal et aucunement lié à la rémunération.

Hier, La Presse a publié une analyse dans laquelle on notait que les médecins québécois gagnent maintenant plus que la moyenne canadienne, et même plus que leurs collègues de l'Ontario.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) a contesté les chiffres et indiqué qu'il n'y a pas actuellement d'exode de médecins de l'Ontario vers le Québec. Selon les chiffres de l'ICIS, 30 médecins spécialistes ontariens sont venus s'installer au Québec en 2013-2014, alors que 11 ont fait le chemin inverse.

La FMSQ s'est réjouie, hier, de cet apport positif. « Il y a encore des pénuries dans certaines spécialités. Donc tant mieux si plus de médecins viennent s'installer ici », a noté la porte-parole de la FMSQ, Nicole Pelletier.

Selon le président du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet, le bilan migratoire positif des médecins est bien la preuve que leur rémunération est aujourd'hui des plus attrayantes au Québec. « Si c'était si inintéressant de venir au Québec, les médecins ne viendraient pas. Or, il semble que ce soit plus intéressant que jamais de venir au Québec plutôt que d'en sortir », a-t-il souligné.

Un phénomène marginal

À l'ICIS, on estime que le phénomène de la migration des médecins est marginal. « Le Québec compte plus de 20 000 médecins. La migration n'a jamais été un gros problème », note  Claude Lemay, porte-parole de l'ICIS.

Hier matin, en entrevue à Radio-Canada, le ministre Gaétan Barrette a déclaré que les hausses de rémunération des médecins négociées en 2004 alors qu'il était président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) ont été faites dans un contexte où « des médecins du Québec quittaient le Québec, car il y avait un trop grand écart » de rémunération avec le reste du pays. « Ne me reprochez pas de l'avoir fait. Il y avait un problème réel », a-t-il assuré.

Mais selon Damien Contandriopoulos, professeur à la faculté des sciences infirmières de l'Université de Montréal, « l'exode des médecins n'a jamais eu lieu ». 

« Comme société, on a eu peur devant un péril théorique. Or, la migration était marginale et ne mettait pas en péril quoi que ce soit. » - Damien Contandriopoulos

Dans le rapport final du Comité d'étude sur la rémunération des médecins spécialistes réalisé en 2004, il est écrit que de 1994 à 2002, le Québec enregistrait une perte nette de 25 médecins par année. « En comparaison avec le reste du Canada, les spécialistes du Québec ont eu moins tendance à partir exercer dans les autres provinces », écrit-on.

Nicole Pelletier, de la FMSQ, reconnaît que la migration des médecins n'a jamais été très élevée. « Mais quand on sait qu'il y a pénurie dans certaines spécialités, on a intérêt à garder tout notre monde », précise-t-elle.

Me Jean-Pierre Ménard, avocat spécialisé dans la défense des droits des patients, croit que la crainte de la migration des médecins était « non fondée ». « C'était un épouvantail soulevé pour augmenter la rémunération des médecins. Le gouvernement est tombé dans le panneau », dit-il.

« À la lumière des nouveaux chiffres exposés par La Presse, la question que l'on doit se poser, c'est : veut-on pour les prochaines années continuer d'augmenter la rémunération des médecins comme prévu ? Peut-on réviser les ententes ? Comme société, est-ce que ça a du sens d'investir autant dans ce seul secteur ? Ce sont de bonnes questions à se poser », affirme pour sa part M. Contandriopoulos.