Trois cent seize personnes sont mortes à la suite d'une chute ou encore d'une erreur de médication et de traitement dans un établissement de santé du Québec l'an dernier. C'est ce que révèle le rapport 2014-2015 du Registre national des incidents et des accidents survenus lors de la prestation des soins de santé, publié par Québec quelques jours avant Noël.

Le nombre de morts est en hausse de 15 % par rapport à l'année précédente, une statistique que le ministère de la Santé peine à expliquer et au sujet de laquelle il invite à la prudence. La situation est « inacceptable », dénonce le Regroupement provincial des comités des usagers. Survol du rapport et réactions.

Plus de 400 000 incidents et accidents

481 000 « événements indésirables », des petits incidents sans conséquence jusqu'à des accidents entraînant la mort, ont été déclarés dans les 266 établissements de santé entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2015. Ils sont survenus surtout dans les CHSLD et les hôpitaux. Les personnes âgées de 75 ans et plus en sont le plus souvent victimes.

Les cinq principaux incidents

Un peu plus du tiers des incidents et accidents sont des chutes. On en a dénombré 167 551 l'an dernier. Il y a également eu 141 608 erreurs liées à la médication et 24 898 autres liées au traitement. Le rapport relève également 12 427 cas d'abus, d'agression, de harcèlement ou d'intimidation à l'égard d'un patient. Voici les cinq principaux incidents survenus l'an dernier : 

• Chutes : 34,8 %

• Erreurs liées à la médication : 29,4 %

• Erreurs liées au traitement médical : 5,2 %

• Test diagnostique laboratoire : 4,9 %

• Abus, agression, harcèlement ou intimidation : 2,58 %

• Diète : 0,6 %

• Accident lié au matériel : 0,6 %

• Accident lié à l'équipement : 0,3 %

• Test diagnostic laboratoire : 0,3 %

• Test diagnostic imagerie : 0,3 %

Des « conséquences permanentes » pour 651 personnes

Pour 84,7 % des accidents et incidents survenus l'an dernier, il n'y a eu aucune conséquence pour le patient. Mais dans 14,9 % des cas, le patient a subi des « conséquences temporaires ». Il a dû recevoir des premiers soins ou rester plus longtemps à l'hôpital, par exemple. Et dans 651 autres cas (moins de 1 %), l'accident a entraîné la mort d'un usager ou des « conséquences permanentes sur ses fonctions physiologiques, motrices, sensorielles, cognitives ou psychologiques ».

Des morts causés surtout par des chutes

Les 316 morts survenus l'an dernier ont été causés principalement par une chute. On peut déduire qu'il s'agissait de personnes âgées dans plusieurs cas.

Causes des décès

• Chute : 54,8 %

• Erreurs liés au traitement : 5,7 %

• Erreurs liées à la médication : 3,16 %

• Autres : 34,18 % (l'obstruction respiratoire et le suicide sont les plus courants, selon le rapport)

Hausse des décès de 15 %

Le nombre de morts a augmenté de 15 % en un an. Il y en avait eu 275 en 2013-2014. La hausse est importante, surtout lorsque l'on considère que le nombre total d'incidents et d'accidents a augmenté, lui, de moins de 2 %. Le ministère de la Santé est à court de réponses sur le phénomène. « Je n'ai pas d'explications à donner par rapport à ça. Est-ce parce que les décès sont davantage déclarés » par les établissements pour publication dans le registre national ? « Il y aune plus grande sensibilisation des établissements pour que le plus d'événements possibles soient déclarés, affirme une porte-parole, Noémie Vanheuverzwijn. Au cours des dernières années, des établissements ne transmettaient pas l'ensemble de leurs données ; certains n'en fournissaient pas du tout. « Puisque de publication en publication, certains établissements ne parviennent pas à transmettre l'ensemble de leurs données, il est difficile, voire même imprudent, d'effectuer une analyse ou une comparaison des tendances qui se dégagent », note-t-on dans le rapport. Il signale également que, pour cette même raison, il y a fort probablement plus d'accidents et d'incidents dans les établissements de santé que le nombre qui figure au Registre national. « Les données présentées doivent donc être interprétées avec nuance, puisque les résultats reflètent fort probablement une sous-déclaration explicable par l'implantation graduelle du système, la participation progressive des établissements et les difficultés rencontrées par certains d'entre eux pour la saisie des données lors du dernier mois visé par la période couverte par le rapport. »

Des établissements pris en défaut

Parmi les 266 établissements de santé du réseau, quatre n'ont pas soumis de données complètes au Registre national. Quatre autres n'ont pas participé à l'exercice, violant ainsi une obligation prévue à la loi. « Un travail est fait avec les directions des établissements pour identifier le problème et le corriger afin que les données apparaissent dans les prochains rapports », lit-on dans le rapport. Voici les quatre établissements fautifs : 

• CHSLD Floralies-de-Lasalle (Montréal)

• Centre de réadaptation en dépendance du Nouveau Départ (Montréal)

• CLSC Naskapi (Côte-Nord)

• CHSLD Valéo (Montégérie)

Des morts évitables

« Il y a trop de décès dans le réseau. C'est inacceptable. Et pour moi, ce sont des choses qui sont évitables. Surtout quand on parle de médication. La moitié des décès sont liés à des chutes alors que l'on connaît les causes des chutes. La première, c'est un mauvais ajustement de la médication d'une personne. » - Pierre Blain, directeur général du Regroupement provincial des comités des usagers. Il reproche au gouvernement et aux établissements de tarder à mettre en oeuvre les recommandations d'un groupe de travail, Viligance pour la sécurité des soins, datant de juin 2014. Ces recommandations visaient à améliorer la prévention des chutes et des accidents liés à la médication.

Un plan d'action est en cours d'application, répond Québec

« La sécurité des bénéficiaires du réseau de la santé est un élément primordial et nous ne négligerons aucun effort afin de diminuer les risques reliés aux incidents et aux accidents. La mise en place d'un registre ainsi que la publication annuelle d'un rapport témoignent du souci de transparence qui nous habite. Suite aux recommandations issues des rapports du groupe Vigilance, nous sommes à mettre en application un plan d'action ministériel. » - Le cabinet du ministre de la Santé Gaétan Barrette, qui n'était pas disponible lui-même pour une entrevue, hier. Notons que le plan d'action ministériel a été rendu public il y a plus d'un an, en octobre 2014.