Steeve Denault a 28 ans. Depuis 10 ans, il vit dans la rue. Même s'il aimerait pouvoir fêter Noël avec sa famille cette année, il sait que ce sera impossible.

«Ma famille, c'est les gens de la rue. Qui consomment comme moi», dit-il.

Tous les jours, beau temps mauvais temps, le jeune homme lave les pare-brises des automobilistes du centre-ville de Montréal et survit avec l'argent ainsi récolté.

Élevé dans les centres jeunesse, Steeve n'avait nulle part où aller à sa sortie du réseau à 18 ans. Il s'est installé dans les rues de la métropole et a commencé à consommer. En 2009, lors d'un échange de seringues, il a contracté l'hépatite C.

L'hépatite C s'attaque au foie et peut à terme provoquer des cirrhoses ou même la mort. Même s'il n'éprouve aucun symptôme majeur pour l'instant, Steeve espère un jour se débarrasser de sa maladie. Et un nouveau projet-pilote mené par l'organisme CACTUS-Montréal lui permet d'espérer y arriver.

Aider à guérir

Depuis l'été dernier, un nouveau traitement est offert pour traiter les patients atteints de l'hépatite C. Alors que les anciens médicaments avaient une durée de traitement de 6 à 12 mois, les nouveaux comprimés Holkira-Pak et Harvoni permettent aux patients d'être guéris en à peine 12 semaines.

Pour l'instant, seules les personnes les plus avancées dans la maladie sont admissibles au traitement. Car les médicaments coûtent cher: de 55 000 à 60 000$ par patient. Mais d'ici trois ans, le régime d'assurance maladie couvrira l'ensemble des personnes atteintes.

Chez CACTUS-Montréal, on a voulu permettre au plus de gens possible d'avoir accès aux traitements. «Avec la société pharmaceutique Abbvie, on a tenu des focus groups avec les gens de la rue. On leur a demandé ce qu'on pourrait faire pour les aider à suivre ce traitement jusqu'au bout», explique la coordonnatrice à l'intervention de proximité chez CACTUS-Montréal, Julie Bouchard. «Pour une rare fois, on a été consultés», note Steeve.

Car réussir le traitement n'est pas simple pour plusieurs personnes qui vivent dans des environnements très instables. Les médicaments doivent être pris à heures fixes. Les patients doivent manger régulièrement et bien dormir. «C'est sûr que dans mes conditions actuelles, je ne pourrais pas réussir le traitement», témoigne Steeve.

Les gens de la rue ont réclamé un accompagnement intensif et personnalisé pour toute la durée de leur traitement. Intervenante de proximité depuis 11 ans chez CACTUS, Amélie Goyette a été choisie pour les accompagner.

Chaque semaine, Amélie épaule une quinzaine de personnes dans leur lutte contre l'hépatite C. «Des fois, ils ont juste besoin de soutien moral. D'autres fois, je dois établir des couloirs de services avec d'autres intervenants. Des fois, je sais que l'un d'entre eux a un rendez-vous à 10h chez le médecin. Eh bien, je vais le chercher directement dans le parc le matin et je l'amène déjeuner et à son rendez-vous», illustre Amélie qui ne cache pas agir un peu comme une mère avec sa clientèle.

Avec Steeve, Amélie travaille à lui procurer une carte d'assurance maladie et à déterminer comment obtenir assez de stabilité pour commencer ses traitements. «On va aussi essayer de me trouver un logement supervisé», dit Steeve.

Dur Noël

Depuis le lancement du projet-pilote en septembre, deux personnes ont suivi leur traitement en entier et ont guéri. Le projet-pilote de CACTUS-Montréal se déroulera jusqu'en juin. Rencontrée à la mi-décembre, Amélie prévoyait déjà que le temps des Fêtes serait difficile pour les personnes en traitement. «C'est toujours une période où il y a beaucoup d'émotions. De tristesse. De solitude. Il y a aussi l'abondance de nourriture et d'autres choses parce que les dons sont plus nombreux. Ça risque d'être plus difficile pour certains», dit-elle.

Steeve, lui, prévoyait passer le temps des Fêtes dans la rue, tout en poursuivant ses démarches pour obtenir un appartement supervisé. «Je ne suis pas fier d'être dans la rue. Je n'ai pas eu de chance, et je ne me suis pas donné de chances non plus. Mais si je réussis à commencer les traitements contre l'hépatite C, c'est sûr que je les finis», dit-il.

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L'hépatite C au Québec

> De 70 000 à 80 000 personnes infectées

> 200 nouveaux cas par année

> 7 utilisateurs de drogue injectable sur 10 en sont atteints. En comparaison, le VIH touche 2 utilisateurs sur 10.