Si les Canadiens obtiennent le droit d'acheter légalement du cannabis, le cannabis médical, dont l'accès nécessite une ordonnance, aurait-il toujours sa raison d'être ? Oui, pensent des médecins spécialistes de la douleur.

Un domaine de recherche important

Le changement du statut légal du cannabis diminuerait peut-être la demande d'ordonnances pour en obtenir à des fins médicales, mais ce domaine de recherche garderait sa pertinence et son importance, selon Dr Mark Ware, directeur de la recherche clinique de l'unité de gestion de la douleur Alan Edwards du Centre universitaire de santé McGill. « J'espère que les médecins vont continuer de suivre leurs patients qui utilisent le cannabis d'une façon ouverte et objective », dit le Dr Ware, qui souligne l'importance, pour les patients, d'avoir accès au « produit médical, avec une qualité extraordinaire, une stabilisation bien répétée ».

Le Dr Michael Dworkind, directeur médical de la clinique Santé Cannabis, est du même avis. Il souligne que l'ordonnance est établie en fonction des besoins de chaque patient.

Faciliter la recherche ?

Si le Canada en vient à légaliser le cannabis, cela pourrait faciliter la tenue d'études sur le sujet, croit le Dr Marc Ware, dont les recherches portent sur l'utilisation de composants du cannabis dans le traitement de la douleur et des symptômes. « Ça peut libérer un peu nos limitations, qui rendent les études sur le cannabis très difficiles à faire », souligne-t-il, citant l'accès aux laboratoires et aux produits ainsi que les possibles biais liés à l'effet criminel. Mark Ware espère qu'une nouvelle politique sur le cannabis contiendrait des nécessités de recherches et un suivi de la santé mentale et physique auprès des gens qui l'utilisent. « Si la politique est informée par la science, dit-il, ça va être mieux. »

Fin de la marginalisation ?

Pour sa part, le Dr Michael Dworkind espère que le projet de légalisation du cannabis permettra aux patients qui en tirent un bénéfice thérapeutique d'être moins marginalisés par le système. Parce qu'à l'heure actuelle, croit-il, il existe un malaise au sein de la communauté médicale. « On me voit dans les couloirs de l'hôpital et on me dit : "Hey ! Voilà Pot Doc ! Comment ça va ? As-tu quelque chose pour nous ?" C'est ridicule », résume le Dr Dworkind, qui rappelle que le cannabis est utilisé à des fins thérapeutiques depuis des milliers d'années. La plupart des quelque 400 patients suivis par Santé Cannabis souffrent de douleurs chroniques, dit-il. « Quand on parle de douleurs chroniques, on parle aussi souvent d'anxiété, de dépression, de problème de sommeil, de problème d'appétit... Le cannabis est efficace pour tout cela », précise le Dr Dworkind, qui assure que le processus d'admission des patients est rigoureux.

Sécurité «assez bonne»

Les études cliniques qui soutiennent l'innocuité et l'efficacité du cannabis fumé à des fins thérapeutiques sont limitées, mais elles se font néanmoins de plus en plus nombreuses. Cette année, une équipe de chercheurs dirigés par le Dr Mark Ware a terminé une étude sur l'innocuité du cannabis médical chez les patients souffrant de douleurs chroniques. Résultat ? Les patients qui avaient consommé du cannabis pendant un an (en moyenne 2,5 g par jour, sous forme séchée) n'avaient pas expérimenté plus d'effets indésirables graves que ceux qui n'en avaient pas pris. Par contre, les utilisateurs de cannabis ont rapporté davantage d'effets indésirables mineurs, comme des maux de tête, des nausées, des étourdissements et des problèmes respiratoires liés au tabagisme.

Affections pour lesquelles les bienfaits du cannabis ont été reconnus

Perte de poids liée au VIH/sida

Spasticité et douleur causées par la sclérose en plaques

Douleur neuropathique chronique du système nerveux central et périphérique

Douleur neuropathique chronique causée par la neuropathie sensorielle liée au VIH ou associée au VIH réfractaire à d'autres médicaments

Douleur chronique post-traumatique ou douleur neuropathique postopératoire réfractaires à d'autres médicaments

Douleur chronique d'étiologies diverses (musculosquelettique, post-traumatique, arthritique, cancéreuse, fibromyalgie, etc.)

Source : Santé Canada

Photomontage La Presse