Un coroner demande au ministre de la Santé d'opérer un changement important dans la distribution des auto-injecteurs de marque EpiPen au Québec, après la mort d'un jeune Montréalais de 18 ans qui n'avait pas fait renouveler son ordonnance du traitement antiallergique. Raison possible: un délai de plusieurs mois pour voir un médecin.

Selon Jean Brochu, la situation est d'autant plus critique que des milliers de Québécois ont récemment dû retourner leur auto-injecteur Allerject, un concurrent direct d'EpiPen. Si certains d'entre eux négligent de se procurer une nouvelle dose, ils pourraient être exposés à des risques mortels.

Sa solution: une ordonnance collective qui permettrait aux pharmaciens de vendre le médicament sans passage obligatoire chez le médecin et obligerait les assureurs à assumer la facture de «près d'une centaine de dollars» chaque fois.

«Imaginez la personne qui n'est pas très en moyen et qui doit chaque année prendre l'EpiPen qu'il a acheté 90, 100, 110 $ et jeter ça aux poubelles sans l'avoir utilisé pour s'en acheter un autre. C'est un fardeau qui peut s'avérer mortel.»

Mort à 18 ans, sans EpiPen

Le cas qui a déclenché la réflexion du médecin est celui de Dean Alarcon-Carreon, un jeune homme mort en juin 2014 après une réaction allergique d'origine incertaine.

Alors qu'il se trouve à l'école, à l'heure du midi, il a appelé son père et lui a dit qu'il avait «une réaction allergique et que "sa gorge se bloquait"», relate le rapport du coroner Brochu. Il a rapidement perdu connaissance, et un concierge a appelé les secours. Après «au moins une quinzaine» de minutes de délai, les ambulanciers sont intervenus. Ont suivi un long arrêt cardiaque et une hospitalisation de quatre jours, puis la mort du jeune homme a été constatée.

Dean Alarcon-Carreon était notamment allergique aux arachides et aux fruits de mer, mais «comme ses allergies semblaient s'être atténuées, il n'a pas renouvelé sa prescription d'EpiPen». En entrevue, le coroner Brochu dit qu'il n'est pas clair si cette décision a été prise de concert avec un médecin. «Selon son père, il attendait depuis près de deux ans un rendez-vous chez un médecin de famille», ajoute le rapport.

«Il faut que la personne qui a une prescription d'EpiPen comprenne qu'elle est pognée avec - jusqu'à preuve du contraire - pour toute sa vie. C'est dangereux d'arrêter même si ça fait 10 ans que ça n'a pas servi», a affirmé le Dr Brochu. «Dean Alarcon-Carreon en est l'exemple le plus patent.»

Le coroner souligne que sa recommandation d'ordonnance collective est d'autant plus pertinente que des personnes allergiques ont dû échanger leur auto-injecteur Allerject, au cours des dernières semaines, en raison d'un rappel orchestré par son fabricant Sanofi Canada. Il craint que le rappel n'entraîne une diminution du nombre de personnes allergiques qui traînent sur elles un tel médicament.

Un traitement-choc nécessaire

L'EpiPen et ses concurrents sont des auto-injecteurs d'adrénaline. Ces dispositifs doivent être utilisés rapidement après le début d'une réaction allergique intense. Le médicament fait augmenter le rythme cardiaque, annulant la réaction du corps à l'allergène. L'injection  - un traitement-choc - doit être rapidement suivie d'une intervention de professionnels de la santé.