Comme il a choisi de quitter son poste de directeur du CHUM, le Dr Jacques Turgeon n'a droit à aucune indemnité de départ, a précisé mardi la direction du super hôpital après le nouveau coup de théâtre de l'annonce du départ du PDG.

«Il avait le même contrat que tous les PDG du réseau, il n'y a pas d'indemnité quand on démissionne», d'expliquer Irène Marcheterre, la responsable des communications du CHUM. Par contre, un cadre de la santé qui perd son poste a droit à un an de salaire.

La décision de M. Turgeon, transmise lundi soir au ministère de la Santé, a été officialisée par une réunion du conseil de direction de l'établissement mardi matin. Le pharmacien a accepté un poste aux États-Unis, des fonctions qu'il occupera à compter de septembre prochain. Son point de chute n'a pas été communiqué, mais il semble qu'il travaillera pour une organisation cotée en Bourse qui n'a pas l'intention de se faire connaître pour l'instant. Il aura été en poste au CHUM plus d'un an - il était entré en poste en juin 2014 et avait été renommé pour trois ans, ce printemps, conformément aux dispositions de la loi 10.

Pour Diane Lamarre, la critique du PQ en matière de santé, ce départ-surprise laisse l'impression qu'il demeure des inconnues dans les rapports entre M. Turgeon et le ministre de la Santé, Gaétan Barrette. M. Turgeon avait démissionné avec fracas en mars, accusant le ministre d'ingérence politique, pour étonnamment revenir sur sa décision une semaine plus tard. «Cette démission est très étonnante. On avait compris qu'il y avait entente et que M. Turgeon avait carte blanche, a souligné la député péquiste. M. Turgeon avait déjà à l'époque cette offre d'emploi, il l'aurait eue dans trois ans», soutient-elle. Selon elle, en coulisse, M. Turgeon n'a pu obtenir du ministre les garanties d'autonomie qu'il souhaitait pour sa gestion.

À l'époque de la querelle avec le ministre Barrette, M. Turgeon s'était rendu à un colloque à La Nouvelle-Orléans et des rumeurs d'emploi aux États-Unis avaient alors circulé.

Dans un communiqué diffusé mardi, le CHUM précise que «le Dr Turgeon a indiqué qu'il avait accepté l'offre d'une entreprise américaine oeuvrant dans le domaine de la santé, afin d'y poursuivre son travail en recherche et développement. Cette opportunité professionnelle permettra au Dr Turgeon de mettre en valeur ses connaissances, ses habiletés de gestionnaire de haut niveau et son expertise mondiale dans le domaine des interactions médicamenteuses».

Le Dr Turgeon soutient qu'il laisse le CHUM «en dépit des événements des derniers mois, avec le sentiment du devoir accompli». «Le CHUM est en bon ordre et le nouvel hôpital accueillera son premier patient à l'été 2016 comme prévu», a-t-il affirmé.

Un long feuilleton

C'est un nouveau développement dans un feuilleton rempli de volte-face qui aura suscité une crise sans précédent dans le principal établissement du réseau de la santé au Québec.

En mars dernier, M. Turgeon avait démissionné avec fracas du CHUM pour dénoncer l'intervention du ministre de la Santé, Gaétan Barrette, dans le choix du directeur du service de chirurgie. M. Barrette voulait que le poste soit réservé à une de ses bonnes connaissances. M. Turgeon avait qualifié cette intervention d'«abus de pouvoir» et d'«ingérence» et avait démissionné de son poste avec plusieurs membres du conseil d'administration.

Dès lors, a-t-on appris, M. Turgeon envisageait un poste aux États-Unis, mais après avoir exploré cette possibilité - il se serait même rendu sur place -, il s'était ravisé. Après une semaine de crise, tout était subitement rentré dans l'ordre. M. Turgeon avait, à la surprise générale, retiré sa démission et rendu publiquement hommage au ministre Barrette, qu'il avait dénoncé quelques jours plus tôt.