Dotés de pouvoirs pour effectuer de nouveaux actes délégués, des pharmaciens font signer un formulaire sur lequel on y sollicite des dons de leurs clients pour ces services, pour lesquels ils recevront pourtant une rémunération.

La Presse a appris qu'au moins une chaîne de pharmacies, Pharmaprix, fournit à ses franchisés un formulaire médical de renouvellement d'ordonnance se terminant par un appel à la générosité. Au moins une pharmacie montréalaise en faisait usage cette semaine.

Le ministre de la Santé est outré, alors que l'association qui représente les pharmaciens propriétaires admet l'erreur, et promet de rappeler ses membres à l'ordre.

«Étant donné que le pharmacien ne reçoit aucun autre paiement pour me fournir cette consultation, j'accepte de payer ___$ pour celle-ci», peut-on lire dans le formulaire que fait remplir la pharmacie Van Hoenacker Tremblay avant de renouveler une ordonnance dermatologique. Il s'agit d'un nouveau pouvoir que les pharmaciens peuvent exercer depuis le 20 juin, à la suite d'une entente entre leur association et le gouvernement.

«Ça nous donne la confirmation que les pharmaciens avaient bel et bien l'intention de faire une campagne pour se faire payer si on n'avait pas eu une entente», a réagi le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, par l'intermédiaire de son attachée de presse Joanne Beauvais, qui évoque une «situation d'illégalité en contravention avec la loi et son code de déontologie».

Au siège social de Toronto, où Pharmaprix nous a transféré, on plaide l'erreur de bonne foi et on soutient que cette phrase n'aurait jamais dû apparaître dans le formulaire. L'espace laissé vierge aurait été remplacé par une somme si les négociations avec Québec avaient débouché sur une entente prévoyant un paiement par le patient, a expliqué un porte-parole ayant refusé d'être nommé.

Pas un sou touché

Joint au téléphone, le copropriétaire de la pharmacie montréalaise assure ne pas avoir touché un sou grâce à cet appel aux dons.

Selon Pierre-Benoît Tremblay, il s'agit d'un formulaire distribué par la chaîne Pharmaprix à ses franchisés. «Moi aussi, j'ai trouvé ça bizarre. Ce sont des choses qui ont été distribuées par la chaîne», a-t-il affirmé en entrevue téléphonique.

Même si un patient décidait de faire preuve de générosité et indiquait une somme à cet endroit, «on ne le facture pas», a assuré M. Tremblay, c'est clair, net et précis». «J'avoue que c'est peut-être un peu bizarre», a-t-il répété.

Le pharmacien - tout comme le porte-parole de l'association qui le représente - admet d'ailleurs que le renouvellement d'ordonnance pour lequel le formulaire demande un don fera l'objet d'un paiement rétroactif à court ou moyen terme. Soit par la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ), soit par l'assureur privé du client.

«Le formulaire n'a pas sa place», a reconnu Vincent Forcier, porte-parole de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP). «On a l'intention dès demain matin de dire à nos membres que ce genre de formulaire n'est pas acceptable.»

L'Ordre des pharmaciens s'est aussi dit dubitatif. «De prime abord, ça nous semble surprenant, a indiqué Manon Lambert, directrice générale de l'organisation. On invite certainement le ou les patients à transmettre ce genre d'information au bureau du syndic de l'Ordre qui va pouvoir faire enquête sur le sujet.»

Copie du formulaire qui laisse place à interprétation.