Le financement à l'activité sera implanté dès cette année dans les 12 centres hospitaliers qui offrent des traitements de radio-oncologie au Québec. Dans un document obtenu par La Presse, on apprend que 5 des 12 centres verront leur financement réduit. Plusieurs autres devront augmenter leur volume d'activités sans toutefois recevoir un cent de plus.

«L'inquiétude est généralisée. Ça pénalise tous les départements», affirme le président de l'Association des radio-oncologues du Québec, le Dr Khalil Sultanem.

Selon lui, le principal problème est que la notion de «financement à l'activité», qui permet théoriquement de financer les hôpitaux pour les volumes de patients traités et non pas sur une base historique, n'est pas réellement appliquée par Québec.

«L'enveloppe budgétaire de cette année sera fermée. Donc, si on traite plus de patients que prévu, on ne recevra pas de montant pour ça. Et le montant total du budget de cette année est plus bas que l'an dernier. Donc, tout le monde est pénalisé», dit-il.

Le Dr Sultanem souligne que le nombre de cas de cancer risque d'augmenter de 30% dans les prochaines années. «Si on continue avec ce genre de financement, on n'y arrivera pas», dit-il.

Un coût unique

La porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), Marie-Claude Lacasse, explique que cette décision «fait partie des mesures d'optimisation mises en place dans le réseau». Un coût par traitement a été établi «en se basant sur la moyenne des coûts du réseau». «Les centres hospitaliers seront donc financés en fonction du nombre de traitements effectués, et ce, dans le but d'augmenter l'accessibilité et d'assurer une équité dans la répartition des ressources», dit-elle.

Le coût moyen du traitement en radio-oncologie a été établi à 2437$. Les établissements dont le coût moyen de traitement dépasse ce montant verront leur financement diminuer. Par exemple, l'hôpital Maisonneuve-Rosemont à Montréal, qui a effectué 2708 traitements l'an passé, possède un coût moyen par traitement de 2870$. L'établissement recevra cette année 6,6 millions pour son programme de radio-oncologie, soit 1,2 million de moins que l'an dernier.

Au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), le coût moyen des traitements atteint 2642$. Cette année, l'établissement, qui traite 3371 patients, recevra 8,2 millions, soit 690 000$ de moins que l'an dernier.

Le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) devra traiter 1,2% de patients de plus, mais recevra 248 000$ de moins.

La porte-parole du CHUM, Isabelle Lavigne, précise que son établissement «aurait souhaité que le MSSS tienne compte de la complexité relative des cas pour ajuster le financement sur la base des besoins des patients». «Toutefois, le CHUM travaille constamment à améliorer sa productivité, sans affecter l'offre de service, et la cible de coût unitaire sera atteinte pour l'exercice 2015-2016», dit-elle.

Même si 3,2 millions seront dégagés de cette façon, le MSSS ne prévoit pas récupérer cet argent pour autant. «Nous prévoyons plutôt accroître l'efficience et l'accessibilité [plus de patients traités pour un financement équivalent]», dit Mme Lacasse.

Une première

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, assure depuis son entrée en poste vouloir implanter la méthode du financement à l'activité dans l'ensemble du réseau. La radio-oncologie devient le premier service à subir cette transformation.

Pour l'urgentologue Alain Vadeboncoeur, les avantages d'un tel financement ne sont «pas clairs». «Une méta-analyse a été réalisée dernièrement sur la question et montre qu'il reste plusieurs zones grises», dit-il. Les craintes voulant que la qualité des soins diminue ne semblent pas fondées. Mais la prémisse voulant que cette méthode améliore l'efficience et diminue les coûts n'est pas prouvée non plus. Le Dr Vadeboncoeur estime d'ailleurs qu'il serait périlleux de «se lancer à l'aveugle» vers cette voie.

Le Dr Sultanem estime pour sa part que le financement à l'activité «n'est pas mauvais en soi». «Mais c'est la façon dont on l'applique qui ne fonctionne pas du tout», dit-il.

Selon lui, les hôpitaux analysent présentement de quelle façon ils pourront boucler leur budget. «Certains envisagent de revenir à des traitements moins raffinés, avec plus d'effets secondaires, mais moins coûteux. C'est le patient qui va payer», déplore-t-il.