Plus de cinq ans après la première plainte, l'enquête dont fait l'objet le Dr Alain Sirard n'a pas encore abouti à l'hôpital Sainte-Justine parce que le médecin n'est pas disponible pour sa deuxième rencontre avec le comité de discipline, selon les explications fournies à deux mères montées au créneau après avoir été rapidement soupçonnées d'avoir battu leur enfant.

En avril 2013, La Presse a raconté l'histoire d'un couple qui avait dû accepter que son bébé (qu'il avait emmené à Sainte-Justine en octobre 2012 pour de simples coliques) subisse 20 radiographies, une échographie abdominale, un scan cérébral, des examens urinaires et sanguins. Tous ces tests, de même que l'expertise d'un médecin de l'Hôpital de Montréal pour enfants, infirmeront la thèse de la maltraitance. N'empêche, jusqu'à ce que le tribunal renverse la vapeur, la DPJ, qui avait confié l'enfant à sa grand-mère, se fiera au seul diagnostic du Dr Alain Sirard, qui maintenait que l'enfant avait été battu sur la foi de rougeurs au ventre.

En novembre 2013, Radio-Canada a diffusé à son tour un reportage avec ces parents et avec d'autres couples ayant subi le même traitement de médecins de Sainte-Justine.

Hier, Amélie Sigouin et Catherine Major, soupçonnées d'avoir battu leur enfant respectif, ont toutes deux indiqué s'être fait expliquer par l'hôpital que si les conclusions de l'enquête ne sortent pas, c'est parce que le Dr Sirard se dit non disponible.

Ces commentaires font écho à une lettre envoyée à Catherine Major le 20 mars. Dans cette lettre, Sainte-Justine écrit que le comité de discipline a «étudié le dossier, étudié les documents pertinents, rencontré les plaignants, rencontré d'autres témoins et rencontré le professionnel visé par la plainte (le Dr Alain Sirard)».

Le Dr Sirard «complétera son témoignage lors d'une deuxième rencontre avec le comité qui sera planifiée au retour de congé de service du médecin», peut-on lire.

Le congé du Dr Sirard, précise la lettre, «a été prolongé jusqu'au mois de septembre 2015».

Enquête toujours en cours

Louise Boisvert, directrice des communications à l'hôpital Sainte-Justine, confirme que l'enquête est toujours en cours et que le Dr Sirard est en congé.

Encore en février 2014, nous  avait alors indiqué Mélanie Dallaire, porte-parole de Sainte-Justine, le Dr Sirard terminait ses dossiers en cours à la clinique sociojuridique. La majorité du temps, cependant, il travaillait comme pédiatre, mais hors de cette clinique sociojuridique qui reçoit des enfants qui semblent victimes de maltraitance.

Catherine Major ne cache pas sa frustration et confie que ces longs délais lui donnent de nouveau «un sentiment d'impuissance», ce même sentiment d'impuissance qu'elle a ressenti quand on a cherché à lui retirer son bébé.

D'autres enquêtes

Le Collège des médecins a aussi ouvert une enquête sur le Dr Alain Sirard à une date qu'il ne précise pas - l'information est confidentielle, dit la porte-parole Leslie Labranche - sinon pour préciser que c'est antérieur au reportage de Radio-Canada.

En moyenne, une enquête sur un médecin dure huit mois, précise Mme Labranche, qui explique les longs délais, dans ce cas-ci, par la complexité de la cause.

En février 2014, après avoir reçu 12 plaintes sur la clinique sociojuridique de Sainte-Justine, la Commission des droits de la personne ouvrait elle aussi une enquête pour «faire toute la lumière sur cette situation et vérifier si les droits des enfants ont été lésés lorsque leurs parents ont fait l'objet de signalements retenus», pouvait-on lire alors dans un communiqué.

Jean-François Gagnon, porte-parole de la Commission des droits de la personne, a précisé hier que l'enquête se poursuit et qu'il ne peut pas en dire davantage, pas même si les médecins ont été rencontrés ni dans combien de temps la conclusion de l'enquête devrait tomber.

Il n'a pas été possible de joindre hier le Dr Alain Sirard.

Poignardé

Le 29 novembre 2013, quelques jours après le reportage de Radio-Canada, le Dr Alain Sirard a été poignardé dans le dos à L'Île-des-Soeurs. Son assaillant n'a toujours pas été trouvé.

En mai 2014, le Dr Sirard a déposé une poursuite de 475 000$ contre Radio-Canada pour atteinte à sa réputation.