Le gouvernement Couillard envisage d'augmenter jusqu'à 4 % par année le tarif exigé aux personnes qui vivent dans un centre d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). Ce serait une hausse annuelle de plus de 850 $ pour la majorité des aînés en lourde perte d'autonomie.

Le tarif actuel s'élève à un maximum de 1789,80 $ par mois pour une chambre individuelle. Plus de 60 % des 37 000 personnes hébergées paient le montant maximal. Les autres assument un coût inférieur, car elles ont de faibles revenus ou occupent une chambre avec deux ou trois lits.

Depuis des années, le tarif est indexé annuellement en fonction de l'indice des prix à la consommation. La hausse a atteint en moyenne 1,6 % dans les dernières années.

Or, Québec mettra fin bientôt à cette pratique. Il augmentera désormais le tarif au-delà de l'inflation. Le cabinet du ministre de la Santé Gaétan Barrette a confirmé à La Presse, hier, que le scénario à l'étude prévoit de le hausser de 2 % à 4 % au total. Le Conseil des ministres rendra une décision bientôt.

Québec s'appuiera sur un rapport du Vérificateur général (VG) pour justifier l'augmentation du tarif. En 2012, le VG recommandait de « revoir et réévaluer périodiquement la contribution des personnes âgées hébergées ainsi que l'ensemble des frais qu'elles assument ».

« Outre l'indexation annuelle, la contribution demandée à l'usager hébergé en CHSLD ainsi que les règles servant à l'établir n'ont pas été revues depuis plus de 15 ans », ajoute-t-on dans ce rapport.

Le VG souligne qu'en principe, le tarif demandé aux personnes hébergées en CHSLD doit couvrir les frais liés au gîte et au couvert. « Le gouvernement du Québec considère qu'il est juste et raisonnable que la personne hébergée contribue aux frais de son hébergement pour une somme équivalant à ce qu'elle débourserait si son état de santé lui permettait de demeurer à domicile », affirme-t-il.

Or, en 2011, les frais liés au gîte et au couvert se sont élevés à 2147 $ par usager, alors que le tarif maximal exigé était alors de 1665 $. C'est un écart de 482 $ par mois, donc 29 %. Si les 61 % des personnes hébergées qui paient le tarif maximum assumaient le coût réel du gîte et du couvert, l'État récupérerait 111 millions de dollars, a calculé le VG.

Au cabinet du ministre de la Santé, on fait valoir que la hausse serait largement supérieure à 4 % si le gouvernement avait décidé d'appliquer d'un seul coup le « rattrapage » proposé par le VG.

« Nos orientations sont plutôt d'y aller en douceur, pour éviter un choc tarifaire et étaler les hausses sur plusieurs années. Il y aura une hausse annuelle graduelle pour arriver éventuellement à couvrir tous les frais. », explique Joanne Beauvais, attachée de presse de Gaétan Barrette.

Elle ajoute que le Québec est la province où le tarif est le moins élevé au Canada.

Un passage du cahier explicatif des crédits du ministère de la Santé, déposé à l'Assemblée nationale cette semaine, a laissé croire que le gouvernement s'apprête à imposer une augmentation supérieure à 4 %.

À la page 11, le ministère de la Santé et des Services sociaux a écrit qu'il y aurait cette année « révision de 2,5 % au-delà de l'indexation annuelle de la contribution des adultes hébergés ». L'augmentation totale serait donc de 4,3 % (2,5 %, plus 1,8 % d'indexation pour 2015).

Une «coquille», soutient Barrette

Le ministre Barrette a toutefois affirmé en commission parlementaire, mardi, que cette donnée est une « coquille » et que la décision du gouvernement n'est pas encore prise. Une telle erreur est exceptionnelle dans les livres des crédits, des documents vérifiés et contre-vérifiés. Québec a confirmé à La Presse, hier, qu'une telle hausse supérieure à 4 % avait bel et bien été envisagée. 

« Il y aura un ajustement de la contribution de l'usager qui ira au-delà de l'indexation, mais qui sera certainement substantiellement inférieur à ce qui est inscrit à la page 11 du livre des crédits, a soutenu Gaétan Barrette mardi en commission parlementaire. Alors non, il n'y aura pas sur une période de quatre ans une augmentation de 10 % [en plus de l'indexation]. Lorsque nous aurons terminé notre débat interne au Conseil des ministres, nous serons en mesure d'annoncer ce que sera l'augmentation au-delà de l'inflation, mais ça ne sera pas de 2,5 %. »

Le MSSS révélait dans le livre des crédits qu'une hausse de 2,5 % au-delà de l'indexation représente 10,4 millions de dollars.

Le gouvernement augmentera le tarif alors qu'il vient de recevoir une pluie de critiques de l'opposition au sujet des mesures d'hygiène dans les CHSLD. Bien des aînés ou leur famille réclament plus d'un bain par semaine - la norme non écrite à l'heure actuelle. Dans ce contexte, des préposés aux bénéficiaires offraient leurs services en dehors des heures de travail et en échange d'argent comptant pour donner un deuxième bain.

Le ministre a exigé de mettre fin à ce « marché noir ». Il a recommandé de se tourner vers des entreprises d'économie sociale pour obtenir un bain supplémentaire, au coût moyen de 23 $ de l'heure.

Tarif mensuel maximum en 2015 pour une place en CHSLD

• Chambre individuelle : 1789,80 $

• Chambre à deux lits : 1496,40 $

• Chambre à trois lits ou plus : 1112,40 $

Tarif mensuel maximum en CHSLD en 2011

• Nouvelle-Écosse : 3011 $

• Colombie-Britannique : 2932 $

• Nouveau-Brunswick : 2890 $

• Terre-Neuve-et-Labrador : 2800 $

• Manitoba : 2233 $

• Ontario : 2167 $

• Île-du-Prince-Édouard : 2108 $

• Saskatchewan : 1909 $

• Alberta : 1700 $

• Québec : 1665 $

Source : Rapport du VG 2012-2013